Les multiples visages de la congestion
5 h 10. Les premières lueurs du jour commencent à peine à percer l’obscurité. Encore endormi, Yuri se frotte les yeux. Il y a 15 minutes à peine, il était couché dans son lit. Là, il s’aventure à pas de tortue sur le pont Champlain. Comme chaque jour, la congestion routière lui vole deux heures de sa vie.
Comme ce résident de La Prairie, sur la Rive-Sud, ils sont des milliers à perdre un temps fou dans le trafic. Encore plus ce matin, avec la rentrée officielle qui s’amorce. Pas la rentrée scolaire, mais celle qui provoque des bouchons de circulation monstre et génère des chapelets de jurons sur l’autoroute et sur les ponts.
Tout le monde est de retour dans son (calvaire) quotidien, les routes sont congestionnées et les transports en commun sont bondés. Pour témoigner de cette réalité, j’ai suivi trois travailleurs dans leurs déplacements.
Que ce soit en auto, en train, en autobus ou en métro, ils donnent à eux trois un visage à la congestion.
Évidemment, j’aurais pu vous parler des coûts annuels de l’engorgement à Montréal (plus de 2 milliards $) ou vous dire combien de temps l’automobiliste passe en moyenne par jour dans les bouchons (une à deux heures), mais n’écoutant que mon courage (et mon tyrannique patron), j’ai préféré aller jouer dans le trafic avec ces braves gens.
Qu’est-ce qu’ils détestent le plus de ces heures perdues à jamais ?
Pour Yuri Kuczer, jeune père de famille divorcé, la réponse est sans équivoque.
« Le fait de devoir partir à l’aurore, ça fait que je ne vois jamais ma fille avant le soir », confie celui qui doit traverser le pont Champlain tous les matins, avant d’emprunter l’autoroute Décarie.
DÉMÉNAGER ?
Gabrielle Lamothe, elle, perd tellement de temps dans le trafic qu’elle songe à quitter sa charmante maison à Sainte-Marthesur-le-Lac, dans les Laurentides.
À l’instar des quelque 30 000 usagers quotidiens du train de Deux-Montagnes, ses déplacements sont ponctués de retards récurrents liés aux travaux du futur Réseau express métropolitain (REM), qui devraient s’étirer encore pendant six ans.
« On a bâti cette maison, on y vit avec nos trois enfants. Si on déménage, ça va être à contrecoeur, on y a mis tellement de temps et d’amour. »
Si elle résiste au déménagement, Mme Lamothe devra prendre son mal en patience et faire l’équivalent des heures gaspillées dans des bouchons en méditation.
Et le Montréalais typique, qui prend l’autobus et le métro chaque matin ?
« J’aimerais qu’il existe une application qui nous envoie des notifications quand le métro tombe en panne… Mais j’ai découvert que si je pars très à l’avance le matin, ça me donne une marge de manoeuvre s’il y a des retards dans le réseau, je suis plus zen », relate le Rosemontois Francis Bourgouin, qui prend un autobus et la ligne orange pour se rendre au centre-ville.
Être zen, c’est sans doute la clé, pourvu qu’on ait la sagesse d’un moine tibétain pour conserver son sang-froid dans un wagon surchargé ou sur une autoroute transformée en stationnement. Mais pour survivre aux frustrations de la congestion, il faut d’abord faire preuve de résilience.
Sur ce, bonne rentrée à tous, mais surtout, bon courage !