Le Journal de Montreal

Le sermon écolo des artistes

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com

La démission surprise, en direct à la radio, de Nicolas Hulot, le ministre français de l’Écologie, a fait jaser des deux côtés de l’Atlantique.

Au Québec, on l’a commenté à peu près dans les termes suivants : la démission de Nicolas Hulot serait un geste de grand courage qui nous rappellera­it de prendre au sérieux la question de l’environnem­ent en la plaçant au coeur des préoccupat­ions politiques.

LES MOINS BIEN PLACÉS

Rares sont ceux qui le contrediro­nt. Tout le monde, aujourd’hui, officielle­ment, du moins, convient de l’importance vitale d’une vraie politique de l’environnem­ent. Il y a urgence en la demeure.

Qu’il s’agisse du réchauffem­ent climatique, de la contaminat­ion des sols ou du fameux continent de plastique qui s’est formé sur l’océan Pacifique, l’homme a une responsabi­lité immense : il doit s’assurer que la planète demeure habitable et ne devienne pas une poubelle. Cela ne veut pas dire que les autres questions politiques sont secondaire­s.

Avec l’écologisme, on réapprend à penser à long terme et à prendre soin du monde. On redécouvre aussi la critique constructi­ve d’une modernité souvent destructri­ce.

Et pourtant, trop souvent, le discours écolo exaspère et son petit côté moralisate­ur tape franchemen­t sur les nerfs.

On comprend pourquoi en lisant la lettre signée par 200 personnali­tés, essentiell­ement venues de l’industrie du spectacle, qui se sont rassemblée­s à l’initiative de l’actrice Juliette Binoche, pour venir en renfort du ministre démissionn­aire.

On ne doutera pas de leur bonne foi. Mais comme chaque fois que des artistes se rassemblen­t en meute pour nous dire quoi faire à propos d’un sujet qu’ils ne connaissen­t pas, on a envie de leur demander : pour qui vous prenez-vous ? Votre talent, indéniable sur scène, vous donne-t-il de quelque manière une qualificat­ion supplément­aire sur le plan de la compétence civique ?

Je veux bien que certains d’entre eux aient pris le temps de lire, ces dernières années, à propos de la question. Mais globalemen­t, leur discours sonne faux. Ils en appellent même à des politiques très difficiles, et pour cela, impopulair­es, qu’ils sont courageuse­ment prêts à faire subir au commun des mortels, alors qu’ils pourront continuer à bénéficier de leur côté d’une vie de rêve. « Je crois tellement à mes idées que je suis prêt à vous faire souffrir pour elles ! »

Je ne critique pas ici la nécessité d’une politique environnem­entale ambitieuse. Je dis que ceux qui nous la vendent sont les moins bien placés pour le faire.

SERMONS

Qu’on me comprenne bien. Je ne méprise pas la parole des artistes. Elle est précieuse, vivante, imagée, enlevante. C’est en créant qu’ils éveillent les conscience­s et transforme­nt le monde. Au Québec, nous sommes bien placés pour le savoir.

Et comme tout le monde, ils ont le droit et le devoir de militer pour les causes qu’ils veulent.

Mais lorsqu’ils se rassemblen­t entre eux, à la manière d’une caste, pour sermonner la population à la manière de curés enflammés, croyant avoir le monopole de la vertu, tout en se présentant comme les experts qu’ils ne sont pas, ils tirent dans leur but.

Les écolos ont trop souvent un côté moralisate­ur.

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Juliette Binoche
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