Magouilles sur l’Everest
En plus des problèmes de déchets, la fraude et la corruption règnent sur le plus haut sommet du monde
Alors que les offres d’expédition vers le sommet de l’Everest pullulent en vue de la prochaine saison, voilà qu’un important acteur de l’industrie de l’alpinisme au Népal a reçu une amende pour avoir falsifié des documents du gouvernement.
Seven Summits Trekking, une entreprise népalaise, a été condamné par les autorités du Népal à verser 44 000 $ après avoir été reconnu coupable d’avoir produit deux permis d’ascension au printemps.
Il s’agit d’un avertissement pour la communauté alpine. Les Québécois rêvant de se tenir sur le toit du monde en vue de la saison 2019 devront choisir consciencieusement leur organisateur. Par le passé, Seven Summits en a compté plusieurs dans ses aventures, dont Sylvain Béliveau, en 2015, qui n’a pas reçu le traitement souhaité.
« C’est surprenant, car les Népalais forment un peuple pacifique. L’Everest, c’est sacré, a-t-il lancé. C’est aussi rendu un gros commerce. Mais falsifier des papiers, c’est vraiment le bout. »
Pour gravir l’Everest, le permis d’ascension coûtant 11 000 $ américains est obligatoire. Le fournisseur de services de l’expédition est responsable de la paperasserie et de la logistique. Le client, qui débourse entre 25 000 et 100 000 $ au total pour les frais d’expédition, ne voit jamais les documents.
« Nous avons un intermédiaire au Népal qui s’occupe de tous les papiers. Dès qu’on s’avance sur le sentier de trekking du parc national qui mène au camp de base de l’Everest, les permis sont demandés par les autorités. On ne peut pas passer sans permis », a expliqué le guide expérimenté de l’Everest, le Québécois Gabriel Filippi.
« Il peut aussi être demandé en cours d’ascension, a ajouté celui qui dirige des expéditions sur le toit du monde depuis de nombreuses années. Des gens vérifient s’ils voient des choses irrégulières. »
DE GROSSES AFFAIRES
En plus de la pénalité financière, les fautifs sont passibles de sept ans de prison. Une sanction trop clémente selon Filippi, dégoûté par les magouilles dans ce lieu mythique. « Ce qui aurait pu faire mal, c’est de retirer le permis d’opération pour une durée déterminée lors d’une première offense, a fait savoir celui qui a déjà été jumelé d’office à Seven Summits en 2013. À la seconde offense, c’est de carrément enlever le permis.
L’Everest, c’est une grosse business a-t-il enchaîné. Les Népalais cherchent par tous les moyens à faire de l’argent. En profitant des failles du système, ils s’en mettent plein les poches. Certains fournisseurs de services n’ont pas d’affaire là. »
AUTRES MAGOUILLES
En plus de la falsification de documents, plusieurs autres magouilles courent au pied de la montagne. Non seulement le camp de base du plus haut sommet du monde est devenu un véritable dépotoir, mais les organisateurs usent des évacuations d’urgence sans motif valable. Il n’est pas rare que des alpinistes atteignent le sommet culminant à 8848 mètres d’altitude, redescendent avec succès, festoient et quittent le camp de base en hélicoptère en invoquant soudainement des problèmes de santé. Ils évitent ainsi quelques jours de randonnée.
« J’ai vu des gens sans problème qui avaient un papier médical pour réclamer aux assureurs, a témoigné Sylvain Béliveau, grimpeur en 2018, qui avait défrayé 5000 $ pour être évacué en raison de pierres aux reins. La business des hélicos est très forte. C’est gênant, car un jour, ce sera le retour du pendule des assureurs. »
« Sur l’Everest, on voit de tout. Des alpinistes disent avoir payé des assurances pour l’évacuation et veulent s’en servir. C’est carrément frauduleux quand il n’y a aucune urgence », a tonné Filippi, qui a vu le phénomène prendre de l’ampleur.
EN TOURNÉE
Seul Québécois à avoir gravi l’Everest par ses deux versants, l’alpiniste, auteur et conférencier Gabriel Filippi a récemment lancé sa tournée québécoise Instinct de survie pour raconter ses passionnantes histoires en montagnes. Celle-ci est une collecte de fonds pour un jeune sherpa orphelin depuis quatre ans qui doit subvenir aux besoins de sa famille.