DEUX FOIS TROP D’ARSENIC DANS L’AIR
Un taux deux fois trop élevé de cette substance toxique a été mesuré dans un quartier résidentiel de Montréal-Est
Des résidents de l’est de Montréal sont exposés sans le savoir depuis au moins huit ans à des émanations beaucoup trop élevées d’arsenic, une substance cancérigène, a appris notre Bureau d’enquête.
En 2018, la concentration d’arsenic dans l’air d’un quartier de la ville de MontréalEst atteindra 200 % de la limite fixée par le ministère, prévoient les experts. La situation a déjà été bien pire. En 2011, ces émanations atteignaient 400 % du seuil maximal acceptable.
La source de contamination est l’immense usine de transformation de cuivre CCR située sur l’avenue Durocher, à Montréal-Est, révèle un rapport des autorités de santé publique que nous avons consulté.
L’analyse a été réalisée l’année dernière par la firme Hatch dans le cadre d’une demande de permis de CCR à la Ville de Montréal. Elle montre que deux polluants dépassent les normes gouvernementales de qualité de l’air, soit l’arsenic et le dioxyde de soufre.
C’est toutefois l’arsenic qui préoccupe principalement la Santé publique, qui a elle-même été interpellée par le ministère de l’Environnement.
« Le principal effet relié à une exposition chronique à [l’arsenic] est le cancer du poumon », écrit la Direction de la santé publique de Montréal dans un rapport déposé sur son site web le 4 septembre. Ce rapport n’a pas fait l’objet d’une annonce publique.
RISQUE TRÈS FAIBLE
« Bien que les dépassements observés représentent un risque très faible pour la population, la Direction régionale de santé publique (DRSP) considère toutefois que des actions concrètes doivent être mises en place afin que la population ne soit pas exposée de façon chronique », lit-on dans le document.
La DRSP précise que ce sont surtout les travailleurs sur le site de l’usine qui s’exposent à de graves problèmes de santé.
La zone où des dépassements « fréquents de la norme annuelle » sont observés atteindra cette année 3,2 km carrés. Elle
s’étend de la rue Sherbrooke au fleuve Saint-Laurent, et du boulevard Marien à l’autoroute 25. Le document ne précise pas combien de citoyens sont exposés aux émanations jugées déraisonnables, mais un quartier résidentiel entier est identifié sur la carte ci-dessus. Quant au dioxyde de soufre, dont les niveaux dans l’air devraient augmenter en 2018, il peut entraîner « des difficultés respiratoires, et ce à court ou long terme » en cas d’exposition prolongée, estime la Santé publique.
L’usine CCR, qui a une superficie de 1,8 million de pieds carrés, est en activité depuis 1931. L’étude de Hatch se penche uniquement sur les niveaux d’arsenic dans l’air depuis 2011.
La santé publique juge que les mesures mises en place par la raffinerie en 2010 pour contrôler ses émanations « sont insuffisantes pour garantir le respect des normes ».
Elle demande donc à CCR de mettre en place deux nouvelles stations de mesure des contaminants « afin de mieux caractériser l’exposition de la population ». Elle souhaite aussi que les dirigeants de l’entreprise définissent de nouvelles mesures pour diminuer l’émission d’arsenic.
MILLIONS INVESTIS
Mandatée par CCR pour répondre à nos questions, Édith Rochette, de la firme de relations publiques NATIONAL, a indiqué que ces recommandations « sont soit déjà en place, soit en cours de réalisation ».
« Plus de 28 M$ ont été investis dans les cinq dernières années afin d’installer des solutions technologiques innovantes visant à minimiser les émissions. À cet effet, un dépoussiéreur de 21 M$, dont l’installation sera complétée d’ici la fin novembre, permettra de doubler la capacité de traitement d’émissions atmosphériques », a-t-elle écrit par courriel.
Toutefois, le rapport gouvernemental mentionne que le taux d’arsenic estimé en 2018 prend déjà en compte l’ajout du dépoussiéreur.
CCR dit aussi partager les données sur la qualité de l’air recueillies depuis 2011 avec un comité de citoyens et ses employés.