Le Journal de Montreal

Plus de paiements pour soigner leurs enfants

Une famille de la Gaspésie trouve aberrant d’avoir eu besoin de l’aide offerte par la communauté

- STÉPHANIE GENDRON

CASCAPÉDIA—SAINT-JULES | Des parents de la Gaspésie sont toujours endettés par les nombreux déplacemen­ts qu’ils ont faits à Québec au cours des cinq dernières années pour soigner deux de leurs quatre enfants.

Alors que l’accès aux soins de santé est en théorie gratuit au Québec, Geneviève Leblanc et Bradley McNeil, tous deux âgés de 43 ans, ont dû s’endetter pour faire soigner leur fille Emma et leur fils Noah.

Le couple ne souhaite pas dévoiler combien il a dépensé pendant près de quatre ans en transport, hébergemen­t, repas et frais de gardiennag­e. Mais il parle d’une somme « préoccupan­te », qui n’est toujours pas totalement payée.

Noah a reçu un diagnostic de leucémie en mai 2013, à 3 ans et demi. Comble de malheur, à partir de janvier 2016, Emma, alors âgée de 2 ans, a dû rencontrer plusieurs fois des spécialist­es à Québec en raison de son arthrite juvénile.

Si Noah est guéri officielle­ment depuis le 11 juin dernier, la famille doit encore faire des déplacemen­ts au CHUL, à Québec, pour Emma.

Malgré les allocation­s du Centre intégré de santé et de services sociaux, du gouverneme­nt, de l’aide de Leucan et de campagnes de financemen­t effectuées par leurs amis et la communauté, le couple n’arrivait pas à tout payer.

DÉCHIREMEN­TS ÉMOTIFS

La famille de Cascapédia—Saint-Jules réside à sept heures de route de Québec. En plus du défi financier, elle a perdu des heures de transport avec un enfant malade. La famille a dû faire garder pendant de longues périodes les deux autres enfants.

« Noah ne se rappelle plus grand-chose de cette époque, heureuseme­nt. Mais je me souviens surtout de ses nausées et de l’avoir bourré de médicament­s en espérant qu’il ne vomirait pas dans l’auto », indique Mme Leblanc.

Elle se remémore qu’elle devait parfois s’arrêter sur l’accotement pendant le trajet afin de s’allonger parce qu’elle était trop fatiguée. Et c’est sans compter les jours de tempête, alors que les rendez-vous ne pouvaient être reportés et qu’elle devait se rendre à Québec à tout prix.

ENTRE 750 $ ET 1000 $

Noah a été hospitalis­é à Québec pendant 55 jours consécutif­s, car il a vécu des complicati­ons en raison des effets secondaire­s de la chimiothér­apie. Ensuite, durant plus de deux ans, il a dû se rendre plusieurs fois au CHUL, à Québec. Il devait consulter des spécialist­es et recevoir des traitement­s qui ne sont pas disponible­s en Gaspésie.

Un déplacemen­t vers Québec, incluant deux nuits d’hébergemen­t, l’essence, les repas et les frais de garde pouvait représente­r des dépenses de près de 750 $ à 1000 $, selon Mme Leblanc. Des coûts que les gens des grands centres n’ont pas à assumer.

Heureuseme­nt, d’autres soins ont pu être offerts à l’hôpital de Maria en Gaspésie.

« On a eu un service exemplaire à Maria. Ils m’ont tellement facilité la vie et évité des visites à l’urgence », souligne la mère.

Reste qu’elle a dû louer des chambres d’hôtel à Québec malgré l’existence du Manoir Ronald McDonald qui offre de l’hébergemen­t à prix modique pour les familles d’enfants malades, car il était souvent au maximum de sa capacité.

Les autres enfants du couple (Jaya, aujourd’hui âgée de 19 ans) et les jumeaux Emma et Elijah (bientôt 5 ans) devaient aussi se faire garder. Les jumeaux n’ont d’ailleurs pas pu fréquenter de garderie avant l’âge de 1 an et demi en raison des risques d’infection pour Noah, qui était sous traitement, ce qui a amené des coûts supplément­aires puisqu’ils n’ont pas eu accès aux garderies subvention­nées.

ABERRANT

Mme Leblanc, une géologue, a eu la chance de pouvoir compter sur ses assurances salaire, car il aurait été impensable qu’elle continue de travailler pendant les nombreux mois où son fils a dû suivre des traitement­s contre la leucémie et pendant les allers-retours à Québec pour sa fille.

Son conjoint, un géotechnic­ien qui travaille à l’extérieur dans l’Arctique canadien sur des quarts rotatifs, a dû continuer son boulot et vivre cette épreuve à distance.

Comme il travaillai­t loin de la maison, des coûts supplément­aires se sont ajoutés pour s’occuper des trois autres enfants du couple lorsque Noah devait aller à Québec.

Mme Leblanc trouve aberrant de devoir compter sur l’aide de la communauté pour pouvoir faire soigner quelqu’un qui vit en région, alors que les familles des grands centres n’ont pas ce stress financier.

« J’aimerais que ça change », dit la mère.

La famille est restée marquée par cette épreuve. Mme Leblanc a cumulé beaucoup de fatigue. Le plus vieux a dû prendre beaucoup de responsabi­lités, se souvient-elle. Les jumeaux sont nés dans une période chaotique. Noah ne tolère plus aucune manipulati­on médicale, alors qu’il était si docile pendant la période des traitement­s.

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 ?? PHOTOS COURTOISIE LUMIPHOTO/EMMANUELLE BOIS ET GENEVIÈVE LEBLANC ?? La famille Leblanc-McNeil réunie pour une séance photo. Jaya, Emma, le père, Bradley McNeil, Noah, la mère, Geneviève Leblanc, et Elijah. En mortaise, Geneviève Leblanc en octobre 2013, alors enceinte de ses jumeaux, avec Noah, sur une photo prise à la maison.
PHOTOS COURTOISIE LUMIPHOTO/EMMANUELLE BOIS ET GENEVIÈVE LEBLANC La famille Leblanc-McNeil réunie pour une séance photo. Jaya, Emma, le père, Bradley McNeil, Noah, la mère, Geneviève Leblanc, et Elijah. En mortaise, Geneviève Leblanc en octobre 2013, alors enceinte de ses jumeaux, avec Noah, sur une photo prise à la maison.
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