Le Journal de Montreal

Une appendicit­e tourne au cauchemar

- LUCIE CHAREST

DUHAMEL-OUEST | Même lorsque les services de santé sont disponible­s en région, le manque de ressources peut avoir de lourdes conséquenc­es. Une dame du Témiscamin­gue l’a appris à ses dépens.

Deborah Ray, 61 ans, est entrée à l’urgence le 30 août 2017 avec une appendicit­e, et est ressortie de l’hôpital un mois et demi plus tard après cinq opérations et des séjours aux soins intensifs. Elle a été trimballée aux quatre coins de l’Abitibi-Témiscamin­gue, parfois pour rien. Tout cela aurait pu être évité si elle avait subi une interventi­on dans un plus grand hôpital, selon elle.

La femme de Duhamel-Ouest au Témiscamin­gue a été opérée pour une appendicit­e par un « chirurgien volant », le Dr Pierre Barrette, qui en était à sa dernière journée de garde à Ville-Marie.

Or, selon ses justificat­ions fournies dans l’analyse de la plainte logée contre lui, il n’avait pas pu obtenir un deuxième avis lorsqu’il a découvert deux masses dans le ventre de Mme Ray, parce qu’il était seul en poste. Il a alors pris la décision, sans le consenteme­nt de la patiente, de les retirer. C’est pourtant proscrit lors d’une appendicec­tomie, en raison du risque d’infection.

« Si je dois subir une autre interventi­on majeure, je ne prendrai plus jamais le risque de rester ici [à Ville-Marie] », affirme la dame de Duhamel-Ouest.

PLUS COMPLEXE

Une dizaine de jours plus tard, le cas de Mme Ray devenait plus complexe. Au point où son médecin de famille a suggéré de la transférer à Montréal. Mais le chirurgien permanent basé à Ville-Marie, de garde à ce moment, l’a convaincue de refuser. Il lui aurait dit qu’elle s’ennuierait à Montréal.

« Je me sentais vulnérable, ses commentair­es m’ont fait peur, évoque-t-elle. Mais à Montréal j’aurais été suivie dans un seul établissem­ent par une équipe compétente. Ici, j’ai été trimballée entre Ville-Marie, Rouyn-Noranda et Amos à plusieurs reprises. Je me sentais prise en otage, comme un cobaye sur qui on fait des expérience­s », relate-t-elle.

Ses déboires ont atteint un point culminant le jour où elle s’est retrouvée avec un problème respiratoi­re à cause de la présence d’eau sur les poumons. Mme Ray a été expédiée en ambulance à l’hôpital de Rouyn-Noranda par le chirurgien de garde à Ville-Marie. Et ce, même si l’anesthésis­te à Rouyn-Noranda avait prévenu qu’elle ne sentait pas à l’aise pour installer le drain thoracique demandé.

VOYAGE EN BLANC

Elle recommanda­it plutôt d’attendre au lendemain, car l’anesthésis­te qui arriverait à Ville-Marie était familier avec ce type d’interventi­on. Mme Ray a tout de même été forcée de faire ce voyage de 256 km aller-retour sans que l’opération prescrite soit complétée.

Aujourd’hui, Mme Ray ressent encore les séquelles physiques de cette interventi­on qui a mal tourné. Mais les plaies émotives et psychologi­ques sont encore vives et difficiles à panser.

« Je fais un suivi avec un intervenan­t, confie-t-elle. J’exprime beaucoup de colère, de rage. Ce n’est vraiment pas facile de ressentir de telles choses. »

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PHOTO COLLABORAT­ION SPÉCIALE, LUCIE CHAREST Deborah Ray derrière sa résidence de Duhamel-Ouest, Abitibi-Témiscamin­gue.

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