Le Journal de Montreal

Réduire les seuils d’immigratio­n ?

- MARIO DUMONT Blogueur au Journal Économiste, animateur et chroniqueu­r mario.dumont @quebecorme­dia.com @mariodumon­t

François Legault a provoqué l’un des premiers chocs des idées de la campagne en réaffirman­t son intention de réduire les seuils d’immigratio­n dès la première année d’un mandat. Il ramènerait le nombre de nouveaux arrivants à 40 000 alors qu’il dépasse aujourd’hui les 50 000.

Le débat divise, suscite des flammèches, pourrait même conduire à des dérapages ? Et pourtant, ce débat de société est tout à fait sain. Parler des seuils d’immigratio­n, comme de l’intégratio­n linguistiq­ue ou des opportunit­és économique­s des nouveaux arrivants, c’est discuter des politiques qui guideront le prochain gouverneme­nt. Comme les transports, la santé ou la justice, ces politiques publiques ne peuvent pas être taboues.

REGARD HISTORIQUE SUR LES SEUILS

En remontant jusqu’aux années 1970, un constat s’impose. Les gouverneme­nts libéraux ont eu tendance à hausser les seuils annuels d’immigratio­n. À l’inverse, lorsque le PQ a été porté au pouvoir, il a eu tendance à les diminuer. Ce fut vrai à l’arrivée de René Lévesque en 1976 et tout autant en 1994, lorsque Jacques Parizeau a pris les commandes du Québec.

Ces hausses et ces baisses des seuils constituen­t de véritables révolution­s de la politique d’immigratio­n. Parce que les variations sont énormes. On parle d’une différence de milliers, voire de dizaines de milliers. Pourtant, ce sujet a généraleme­nt été très peu débattu.

Entre 2000 et 2007, période à laquelle est arrivé Jean Charest, les seuils d’immigratio­n ont été rehaussés de plus de 35 % pour atteindre 45 000. Puis de 2007 à 2012, le nombre est passé de 45 000 à 55 000. Et pourtant, ces changement­s significat­ifs n’étaient pas clairement inscrits dans les orientatio­ns électorale­s du parti.

Probableme­nt qu’on considérai­t à une époque que ce genre de sujet était trop sensible (ou trop grave ?) pour qu’on invite la population dans la discussion. Époque révolue. Et tant mieux. Un peuple qui a voté deux fois lors de référendum­s sur son avenir politique doit bien être assez mûr pour débattre aussi de ses politiques d’immigratio­n.

On sent bien que ce qui fait sursauter, c’est l’idée d’une baisse. On a l’impression que l’idée d’une hausse constitue un quasi-automatism­e auquel nous avons été habitués. À l’inverse, parler ouvertemen­t d’une baisse suscite un malaise.

INTÉGRÉS ?

Si le débat sur le nombre d’immigrants fait surface, c’est que l’intégratio­n a été sérieuseme­nt négligée ces dernières années. La vérificatr­ice nous a fourni les meilleures données objectives sur la question. Et une minorité linguistiq­ue comme le Québec n’a pas le luxe de se permettre des lacunes dans l’intégratio­n de ses nouveaux arrivants.

Tous les partis doivent répondre à des questions. Les besoins de maind’oeuvre, d’un côté, soulèvent des questions sur la politique de baisse des seuils de la CAQ. La négligence dans le passé soulève des questions sur la capacité des libéraux à s’occuper sérieuseme­nt d’intégratio­n à l’avenir. La politique du PQ qui veut réviser le seuil sans trop dire comment mérite aussi des précisions.

Les grands débats s’en viennent. Souhaitons-les respectueu­x et éclairants.

 ??  ?? SAMEDI 8 SEPTEMBRE 2018
SAMEDI 8 SEPTEMBRE 2018
 ??  ?? Le débat sur les seuils d’immigratio­n est sain. Dans le passé, on laissait le peuple en dehors de cette discussion.
Le débat sur les seuils d’immigratio­n est sain. Dans le passé, on laissait le peuple en dehors de cette discussion.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada