Le Journal de Montreal

Vous l’appeliez Lise

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Vous l’appeliez Lise, je l’appelais Mamie. Il m’a fallu plusieurs années avant de comprendre qu’au-delà de cette Mamie que j’aimais tant, il y avait Lise Payette, cette femme de tête, fonceuse, passionnée, parfois entêtée. Cette femme aussi qui partait de loin.

À ma naissance, les femmes votaient, étaient ministres et géraient ellesmêmes leurs finances. Pour les gens de ma génération, ça allait de soi. Pourtant, lorsque ma grand-mère est née le 29 août 1931, rien de tout cela n’était possible.

Celle que vous connaissez sous le nom de Lise Payette est née Lise Ouimet, dans le quartier ouvrier de Saint-Henri, dans le sud-ouest de Montréal. Son père, Fernand, était chauffeur d’autobus et sa mère, Cécile, a décidé de devenir femme de ménage pour permettre à ses deux filles d’aller à l’école suffisamme­nt longtemps pour obtenir leur diplôme de cours classique.

Pour mon arrière-grand-père, c’était tout à fait inutile de payer les études de ses filles : elles allaient se marier, avoir des enfants et cette scolarité ne leur servirait pas !

Marie-Louise, sa grand-mère adorée, lui avait dit un jour qu’on était tous le maillon d’une grande chaîne. Qu’on devait s’assurer d’être un maillon fort pour les maillons qui allaient suivre. C’est ce qu’elle a voulu faire toute sa vie. Elle tenait à s’assurer que les femmes et les hommes vivraient dans une société plus juste et plus équitable. La liberté et l’indépendan­ce, elle la souhaitait autant pour les femmes que pour son Québec.

PAS TOUJOURS FACILE

Son parcours n’a certaineme­nt pas toujours été facile ou de tout repos. Pourtant, rien ni personne n’a réussi à la décourager. Elle a fait réagir, elle a forcé les discussion­s, elle a obligé à la réflexion. Dans l’intimité, c’était une femme aimante, protectric­e et surtout, une bonne vivante.

Si ma grand-mère a fait inscrire sur les plaques d’immatricul­ation la devise du Québec, « Je me souviens », c’est parce qu’elle n’a jamais oublié d’où elle venait. Elle s’est battue en souvenir de sa grand-mère, de sa mère et puis pour toutes les femmes qui allaient suivre.

À l’annonce de son décès, j’ai compris que si j’avais perdu ma Mamie, c’est vous tous qui aviez perdu votre Lise. Ce devoir de mémoire, je crois que c’est tout le Québec qui doit le porter.

CÉLÉBRER

Elle ne voulait pas que nous soyons tristes. Lorsque nous nous sommes parlé pour la dernière fois, elle m’a plutôt fait promettre de célébrer.

En toute cohérence avec ses voeux, je suis d’avis qu’une cérémonie nationale d’hommage à sa vie, à son oeuvre et aux progrès qu’elle a permis pour le Québec, soit de circonstan­ce.

Aucune femme n’a encore eu l’honneur de funéraille­s d’État. Je m’interroge, ne croyez-vous pas que ce soit une façon digne d’honorer la pionnière qu’elle a été ? On lui doit bien ça. Je t’aime Mamie Flavie Payette-Renouf est réalisatri­ce et productric­e. Elle est la petite-fille de Lise Payette.

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« Je suis d’avis qu’une cérémonie nationale d’hommage à sa vie, à son oeuvre et aux progrès qu’elle a permis pour le Québec, soit de circonstan­ce. »

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