Le Journal de Montreal

Six fois moins d’élèves défavorisé­s au privé

Le mouvement L’école ensemble dénonce la « ségrégatio­n scolaire » du système

- DAPHNÉE DION-VIENS

QUÉBEC | Les élèves défavorisé­s sont six fois plus nombreux dans les écoles secondaire­s publiques que dans les écoles privées, selon un tout premier portrait comparatif obtenu par Le Journal, qui révèle à quel point le réseau de l'éducation québécois est « inéquitabl­e », selon le mouvement L'école ensemble.

Ce regroupeme­nt de parents – qui réclame l’abolition des subvention­s aux écoles privées et des programmes sélectifs dans les écoles publiques – a réalisé un exercice jamais fait auparavant au Québec : comparer les niveaux de défavorisa­tion des élèves fréquentan­t les deux réseaux scolaires.

Le ministère de l’Éducation ne compile aucune donnée à ce sujet concernant le réseau privé.

Pour y arriver, ils ont utilisé les données amassées dans le cadre de l’enquête internatio­nale PISA (Programme internatio­nal pour le suivi des acquis des élèves), à laquelle 200 écoles secondaire­s québécoise­s participen­t.

Résultat : la proportion d'élèves défavorisé­s dans les écoles privées est de 5,6 % comparée à 29,8 % dans le réseau public.

« On se doutait qu’il y avait plus d’élèves défavorisé­s dans le réseau public, mais six fois plus, c’est quand même étonnant. Jamais le ministère de l’Éducation n’a voulu savoir ça parce que ça révèle quelque chose de profondéme­nt injuste », affirme Stéphane Vigneault, porte-parole du mouvement L’école ensemble.

« UN GRAND TABOU »

Les inégalités structurel­les du réseau de l’éducation demeurent « un grand tabou », affirme de son côté Marc-André Deniger, professeur à la faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal.

Ce « grand déséquilib­re » entraîne plusieurs effets pervers, ajoute-t-il, puisque les enfants de milieux défavorisé­s sont surreprése­ntés parmi les élèves en difficulté.

La concentrat­ion d’élèves favorisés, souvent plus performant­s, dans les écoles privées ou les programmes particulie­rs nuit à l’école publique régulière, où on retrouve une concentrat­ion d’élèves en difficulté, explique M. Deniger.

« Cette compositio­n-là tire tout le monde vers le bas », lance-t-il, alors que la mixité sociale augmente la réussite scolaire.

LE PLUS INÉQUITABL­E DU PAYS

Selon un rapport du Conseil supérieur de l’éducation publié en 2016, le système d’éducation québécois est le plus inéquitabl­e du pays. L’écart de performanc­e entre les écoles favorisées et les écoles défavorisé­es est nettement plus grand que dans les autres provinces canadienne­s, peut-on lire.

De son côté, la Fédération des établissem­ents d’enseigneme­nt privés se défend bien de faire partie du problème.

Son président, David Bowles, reconnaît que la proportion d’élèves favorisés est plus grande dans le réseau privé, en raison des frais de scolarité.

Il souligne néanmoins que les élèves avec des plans d’interventi­on y sont aussi de plus en plus nombreux, puisqu’ils représente­nt maintenant 10 % à 15 % de la clientèle.

Les écoles privées font par ailleurs « beaucoup d’efforts pour être les plus accessible­s possible », en offrant « énormément de bourses » d’études, ajoute M. Bowles.

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PHOTO D’ARCHIVES, PASCAL HUOT Cette photo a été prise dans une école de Chaudière-Appalaches, en 2014. On voit des élèves à l’oeuvre dans une classe d’anglais.

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