Cohabiter sur les grandes artères
AGENCE QMI | Vous êtes en voiture sur un boulevard, ça roule vite (rare fois où il n’y a pas de trafic, disons), lorsqu’un cycliste en cuissard se faufile dans votre angle mort. S’ensuit un angoissant moment de cohabitation nerveuse, au terme duquel vous laissez échapper un chapelet de jurons : « Me semble que les $% ?*& de vélos devraient être interdits sur les grandes artères ! » Cette situation vous dit quelque chose ?
Eh bien, préparez-vous, car les vélos sont là pour de bon et plus que jamais même.
Avant d’être élue, la mairesse Valérie Plante n’a pas promis qu’une ligne rose de métro aux Montréalais, elle a aussi promis un Réseau Express Vélo (REV) sur les axes achalandés de la ville. Et contrairement au premier engagement – en suspens le temps de la campagne électorale –, le dossier du REV n’a aucune raison de traîner. Il risque d’être épineux toutefois. Du moins à en croire la responsable municipale du dossier vélo et conseillère du Plateau-Mont-Royal, Marianne Giguère, qui m’a confié que son équipe (pourtant composée de pro-cyclistes-quine-se-cachent-pas-pentoute) se bute à plus d’obstacles que prévu.
COÛT POLITIQUE
L’idée de base du REV : l’équipe Plante veut aménager des voies cyclables protégées sur plusieurs importantes artères, pour assurer la fluidité et la sécurité de tous. Le but est d’inciter plus de Montréalais à opter pour le vélo au quotidien.
Là où ça se corse : il faudra enlever du stationnement ou des voies de circulation. Le coût politique de telles décisions peut faire mal, donc il faut bien choisir quelles artères seront ciblées, parce que ça va crier du côté des commerçants et des automobilistes.
Là où ça se complique vraiment: en attendant que le REV se concrétise (l’implantation sera coûteuse et longue), on fait quoi ? C’est LA question de l’heure, admet Mme Giguère.
Il y a l’option du statu quo, mais les cyclistes vont chialer.
Il y a l’option de faire des aménagements temporaires en créant une piste sur artère séparée par des bacs à fleurs ou des blocs de béton, mais c’est quand même périlleux.
Il y a aussi les voies réservées aux autobus, où on pourrait consacrer une place « officielle » aux vélos, mais il faut modifier la législation municipale et la signalisation.
CHAUFFEURS INQUIETS
Précisons que les chauffeurs d’autobus ne veulent rien savoir de cette cohabitation forcée, m’a confirmé leur syndicat, faisant valoir que « c’est peu sécuritaire, ça nuit à la fiabilité du service et ça augmente leur charge mentale ».
Les inquiétudes des chauffeurs sont peut-être légitimes, mais elles sont loin de convaincre les organisations cyclistes. « Il va falloir qu’on m’explique pourquoi à Québec et à Paris les chauffeurs sont capables de vivre avec les voies bus-vélo, mais pas à Montréal », s’insurge Suzanne Lareau de Vélo Québec.
Elle fait valoir que les voies bus-vélo ne constituent pas un idéal, surtout en comparaison du REV promis, mais qu’il s’agit d’un bon compromis en attendant.
Pour l’heure, Marianne Giguère admet que son administration marche sur des oeufs. « On essaye de trouver un modus operandi qui plaira à tout le monde, c’est pas évident », résume-t-elle.
Souhaitons leur bonne chance, car l’heure des choix approche, et forcément, il y aura des mécontents.