Une grande performance
Un spectacle solo requiert un texte à la hauteur et une grande performance d’acteur pour maintenir l’attention du spectateur. C’est le cas de la pièce Les barbelés présentée au Théâtre de Quat’Sous à Montréal.
Dans ce noir cri du coeur, Marie-Ève Milot livre une prestation magistrale. Passant avec aisance d’une narration détachée et sarcastique à une angoisse frôlant la folie, la comédienne prend à bras le corps son personnage qui en a long à dire.
À force de se taire, des barbelés poussent littéralement dans la gorge de cette fille complètement à bout, qui s’exprime avec véhémence pour écorcher ses proches et la société en général, sachant qu’elle n’en a plus pour longtemps à vivre.
Le texte mordant et bien rythmé d’Annick Lefebvre coule de source dans la bouche de MarieÈve Milot qui s’ensanglante au fil de la pièce.
Des détails, comme ces agrumes pelés au sol et lentement écrasés dans une fureur contenue, donnent du relief au personnage. On sent que la comédienne a été dirigée avec doigté par la metteuse en scène Alexia Bürger.
Habilement amenés par des jeux d’éclairage, les changements d’état psychologique de la protagoniste font progresser la narration qui reste marquée par la tourmente, la haine et le dégoût.
FINALE FORTE
Présentée pour la première fois l’an dernier à Paris au théâtre national La Colline dirigé par Wajdi Mouawad, cette pièce sombre souffre toutefois d’absence d’originalité dans ses critiques sociales. Puisqu’il s’agit d’un ras-le-bol viscéral, les sujets abordés sont nombreux, mais ont souvent été dénoncés ailleurs, comme le patriarcat concernant les abus du père, le racisme subi par l’amie noire ou les doubles standards moraux au sujet des tragédies étrangères (nous sommes Paris, Londres ou New York, mais pas Sanaa ou Homs…). Même si les figures de style sont souvent originales, elles ne jettent pas vraiment un éclairage nouveau sur ces thématiques.
Malgré tout, la finale est un coup de poing. Les spectateurs ressortent du théâtre bien silencieux, un peu sonnés par cette expérience qui n’avait assurément pas pour but de leur faire passer un moment joyeux.