QUÉBEC ET MONTRÉAL SAVAIENT DEPUIS 5 ANS
Aucune sanction contre l’entreprise responsable des émanations d’arsenic à Montréal-Est
Le gouvernement du Québec et la Ville de Montréal étaient au courant dès 2013 que les résidents de Montréal-Est sont exposés à des émanations beaucoup trop élevés d’arsenic. Mais ils n’ont ni avisé les citoyens ni imposé de pénalité à l’entreprise responsable des émanations, a découvert notre Bureau d’enquête.
Le 8 septembre dernier, nous révélions que le taux d’arsenic, une substance cancérigène, est deux fois trop élevé dans l’air d’un quartier de Montréal-Est à proximité de l’usine de transformation de cuivre CCR.
Les autorités de santé publique ont assuré que le risque de cancer du poumon chez les citoyens était très faible, mais ils ont demandé à l’entreprise une série de mesures pour réduire ses émissions.
CCR, qui appartient au géant suisse des mines Glencore, est soumise principalement à la réglementation municipale, appliquée par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).
Ce règlement municipal prévoit des amendes de 100 $ à 1 000 000 $, selon la gravité de l’infraction. Des peines d’emprisonnement d’au plus 18 mois sont prévues par la CMM dans les cas les plus graves.
AUCUNE AMENDE DEPUIS CINQ ANS
Mélanie Gagné, une porte-parole de la Ville de Montréal, a confirmé à notre Bureau d’enquête que la Ville avait bel et bien reçu les résultats d’une étude de qualité de l’air dès 2013, mais qu’aucune amende ou aucune peine n’avait été imposée.
« Au courant des dernières années, la Ville a donné plusieurs avis et a effectué des suivis serrés auprès de l’entreprise », a-t-elle cependant assuré dans un courriel. Selon elle, un plan d’action a été exigé auprès de CCR dès 2013.
Mais cinq ans plus tard, le taux d’arsenic dans l’air est toujours trop élevé. Il atteindra cette année 200 % de la norme acceptable, selon une étude de la firme Hatch.
QUÉBEC MAINTIENT LE PERMIS
Le gouvernement provincial n’a pas cru bon sévir non plus. Lui aussi a appris en 2013 que les rejets d’arsenic dans l’air dépassaient les limites. Cela n’a pas empêché le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) de maintenir l’attestation d’assainissement octroyée à CCR en 2010. Cette attestation est en quelque sorte le permis qui autorise l’entreprise à exercer ses activités.
Un responsable des communications du ministère, Frédéric Fournier, a assuré que son organisation « est en lien étroit avec les acteurs concernés dans ce dossier et s’assure d’un suivi rigoureux des actions en cours ».
Il a affirmé qu’il revenait à la Ville de Montréal de sévir, le cas échéant.
Même en août 2017, lorsque les autorités ont su que les émanations n’étaient toujours pas revenues à un seuil acceptable, elles n’ont pas imposé de sanction ou alerté la population.
NOUVEL ÉQUIPEMENT
L’usine CCR a affirmé la semaine dernière, à la suite de nos révélations, qu’elle compléterait d’ici novembre l’installation d’un dépoussiéreur de 21 M$ qui devrait améliorer les choses.
Cependant, la Santé publique a prévu que même avec l’ajout de cet équipement, le taux d’arsenic dans l’air serait encore deux fois trop élevé.
Ce n’est qu’en 2019 qu’on saura si les mesures prises par l’entreprise ont réellement porté leurs fruits.