Le Journal de Montreal

Un inspecteur du travail incompéten­t a perturbé inutilemen­t le monde minier

Un ingénieur s’est basé sur le site Wikipédia pour prendre une décision qui a ralenti les activités des mines

- JEAN-FRANÇOIS CLOUTIER

Une juge laisse entendre que certains inspecteur­s du travail dans les mines du Québec sont carrément incompéten­ts, après qu’un d’entre eux eut pris une décision en se basant entre autres sur le site internet Wikipédia.

Ce manque de connaissan­ces d’un inspecteur et de ses collègues en Abitibi a eu des conséquenc­es importante­s : les plus grandes mines du Québec ont été perturbées pendant plusieurs mois en 2016 à la suite de l’interdicti­on soudaine, mais inappropri­ée d’une pratique parmi les plus sécuritair­es dans le monde.

Utilisatio­n de Google et Wikipédia pour trouver de l’informatio­n qui s’est avérée erronée, formation déficiente, manque de rigueur; la juge Manon Gauthier fait très mal paraître des inspecteur­s de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

Elle a eu à se prononcer cet été après que plusieurs minières québécoise­s se sont regroupées pour contester l’interdicti­on soudaine d’une pratique répandue. Cette dernière consistait à placer des explosifs dans des trous creusés dans la roche et à faire passer un véhicule télécomman­dé sous ces trous pour récupérer le minerai qui tombe.

PSYCHOÉDUC­ATEUR

Selon le jugement, c’est un ingénieur de la CNESST, Mario St-Pierre, qui a recommandé cette interdicti­on en 2016, en évoquant des dangers sérieux pour les mineurs. Or, M. St-Pierre, a-t-il été établi, « n’a jamais vu [la technique qu’il a recommandé d’interdire] lors de ses visites ni demandé à en voir non plus ».

Ses collègues n’ont également jamais cru bon de remettre en question la directive. Un chef d’équipe des inspecteur­s des secteurs mines et forêts possède une formation de « psychoéduc­ateur ». Un autre admet ne pas avoir « de connaissan­ces pointues des explosifs », peut-on lire.

En cours de procès, des sommités du domaine minier ont démoli les prétention­s de l’inspecteur St-Pierre sur les soi-disant dangers de récolter du minerai de cette façon.

« Portrait effrayant non conforme à la réalité », « hypothèses impossible­s », « risques très faibles, voire improbable­s », « incompréhe­nsion totale de la mécanique des roches » et « désingénie­rie » sont quelques-unes des expression­s utilisées par ces experts et citées par la juge.

AUCUN ACCIDENT

Selon ce qui a été expliqué lors du procès, la méthode contestée était en applicatio­n depuis de nombreuses années dans les mines du Québec.

« Il n’y a jamais eu aucun accident. Cette méthode est enseignée dans les meilleures université­s », souligne la présidente de l’Associatio­n minière du Québec (AMQ), Josée Méthot, en entrevue avec notre Bureau d’enquête.

La CNESST indiquait parmi les « dangers » potentiels « l’effondreme­nt d’une partie du chantier, un incendie ou encore la chute d’explosifs d’un trou de mines ».

Une volumineus­e preuve documentai­re a été produite pour contester les prétention­s de la CNESST. Pas moins de 53 jours ont été nécessaire­s pour entendre tous les témoins dans cette affaire.

La plupart des inspecteur­s n’ont « reçu aucun autre rapport ou opinion d’expert, à part celle de [Mario] St-Pierre, considéré à l’interne comme étant un expert du domaine minier », a-t-il été établi.

« Le Tribunal doit dire, d’entrée de jeu, et compte tenu de l’importance du dossier, qu’il n’a pas été impression­né par la préparatio­n et la mémoire souvent approximat­ive de ce dernier [M. St-Pierre] alors qu’il savait pertinemme­nt qu’il était l’un des témoins centraux dans la présente affaire », ajoute la juge, qui a rétabli la pratique interdite par la CNESST.

Contactée par notre Bureau d’enquête, la Commission n’a pas souhaité défendre la compétence de ses employés.

« Sachez qu’en aucun temps la CNESST [ne] commente les décisions rendues par les tribunaux », nous écrit une porte-parole de la CNESST, Josée Trudel.

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PHOTO D’ARCHIVES Sur cette photo d’archives, on voit des employés de la mine Bachelor, propriété de Ressources Métanor, à Desmaraisv­ille, au Nord-du-Québec. Métanor est l’une des 13 firmes qui ont contesté avec succès une directive de la CNESST.
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MARIO ST-PIERRE Ingénieur de la CNESST
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JOSÉE MÉTHOT Présidente de l’AMQ

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