Une libérale passe dans le camp des conservateurs
La rentrée parlementaire fédérale a été très mouvementée hier
OTTAWA | Une députée du gouvernement Trudeau a causé la stupéfaction, hier, lorsqu’elle s’est levée en Chambre pour critiquer sévèrement durant de longues minutes ses propres troupes avant de traverser le parquet pour se joindre au Parti conservateur.
L’élue ontarienne Leona Alleslev a matraqué le gouvernement Trudeau pendant cinq bonnes minutes pour sa gestion des affaires de l’État avant d’aller rejoindre ses nouveaux collègues conservateurs, de l’autre côté du plancher.
Les transfuges ne datent pas d’hier, mais ce genre de coup d’éclat en pleine Chambre des communes est pour le moins inhabituel.
En point de presse, Mme Alleslev a expliqué ne plus avoir confiance en les libéraux pour gérer le Canada au sein d’un monde de plus en plus incertain.
« Nous ne pouvons pas accepter le statu quo. Notre pays est en jeu. [...] Nous avons besoin d’un leadership fort », a-t-elle lancé devant les journalistes après son coup d’éclat.
Les députés fédéraux étaient de retour hier à Ottawa pour le début de la session parlementaire d’automne.
« BONNE CHANCE »
Mme Alleslev dit être préoccupée par les questions de fiscalités, de défense et de relations internationales.
« Lorsque je soulevais mes inquiétudes sur ces enjeux, j’étais accueillie par un silence », a-t-elle raconté.
Le premier ministre Justin Trudeau ne s’est pas formalisé du départ de la députée ontarienne, lui souhaitant « bonne chance ».
« C’est quelque chose qui est tout à fait permis et acceptable dans notre système [parlementaire] que de traverser [le plancher] », a-t-il réagi.
Le ministre québécois Jean-Yves Duclos comprend mal les doléances de son ancienne collègue, puisque selon lui, Justin Trudeau est « un chef qui est très à l’écoute ».
UN BON COUP
Il n’en demeure pas moins que le gouvernement libéral se serait bien passé de cette autre tuile sur la tête en cette journée de rentrée parlementaire.
Pour le politologue François Rocher, cette défection est le signe que des « fissures » apparaissent dans les rangs du parti.
« Ce n’est peut-être pas aussi harmonieux dans le parti que tente de le laisser projeter le bureau du premier ministre », croit-il.
La nouvelle est d’autant plus difficile à prendre pour les libéraux puisque Mme Alleslev est une élue de la région de Toronto, un terrain de chasse électoral très convoité, analyse Frédéric Boily, de l’Université de l’Alberta. À l’inverse, il s’agit pour les conservateurs « d’une belle prise », selon M. Rocher.
Mme Alleslev avait remporté son élection en 2015 par une très faible majorité d’un peu plus de 1000 voix. Dans les derniers mois, elle a publiquement défendu la gestion du gouvernement Trudeau sur la question des migrants irréguliers, de la légalisation du cannabis et de la taxe sur le carbone. Trois enjeux qui sont régulièrement le sujet des attaques des conservateurs.
OTTAWA | (Agence QMI) Le premier ministre du Canada Justin Trudeau compte aller de l’avant coûte que coûte avec son projet de taxe sur le carbone pancanadienne, quitte à l’imposer malgré la grogne grandissante de plusieurs provinces.
Au cours d’un long entretien d’une heure accordé au journaliste Paul Wells du magazine Maclean’s à l’occasion de la rentrée parlementaire à Ottawa, hier soir, Justin Trudeau a affirmé qu’il est prêt à imposer la taxe carbone aux provinces récalcitrantes, en vue de préserver une forme d’équité entre chaque province.
Il a aussi soutenu qu’il ne s’attend pas à voir plus de « deux, peut-être trois provinces » contester son plan. Il a cependant passé sous silence le fait que l’Alberta et l’Ontario s’opposent maintenant à la taxe carbone, la première en raison des revers dans le dossier de l’oléoduc TransMountain et la seconde à la suite d’une promesse électorale du nouveau premier ministre Doug Ford.
La taxe sur le carbone « est une mesure phare pour atteindre nos engagements de l’Accord de Paris », a plaidé le premier ministre, en soulignant que « la pollution ne devrait pas être gratuite ».
Le fédéral fera aussi payer les provinces qui refuseront de se plier à la taxe carbone, avant de reverser l’argent prélevé aux citoyens, a menacé M. Trudeau.
ÉCONOMIE
Ce dossier n’est que l’un des nombreux défis qui attendent le premier ministre au cours de la dernière année de son mandat. La renégociation de l’Accord de libreéchange nord-américain (ALENA) et le projet l’oléoduc TransMountain, bloqué par les tribunaux, promettent aussi de faire couler beaucoup d’encre.
Le premier ministre a d’ailleurs défendu son bilan quant à la gestion de ces dossiers. « Notre travail est de demeurer ferme sur notre position. […] Ça peut sembler simple, mais ce ne l’est pas », a laissé tomber M. Trudeau en évoquant l’ALENA, tout en promettant à nouveau qu’Ottawa entérinera un accord que s’il est « bon pour le Canada ».
Dans le cas de TransMountain, le premier ministre a reconnu que la décision obligeant Ottawa à refaire ses devoirs en consultant davantage les communautés autochtones et en évaluant les impacts environnementaux est « frustrante ». Il s’est cependant réjoui de savoir que ce jugement clarifiera les règles pour de futurs projets.
POPULISME
Par ailleurs, M. Trudeau a déploré, lorsqu’interrogé sur l’élection de Doug Ford en Ontario, que de nombreux partis politiques cherchent aujourd’hui à miser sur les peurs et l’anxiété des citoyens pour se faire élire.
« L’un des grands défis des nations de l’Ouest, c’est que la classe moyenne ne se sent pas appuyée alors que le monde change autour d’eux », a évoqué le premier ministre, en évoquant les défis environnementaux et économiques, avant de déplorer que des politiciens aient le don de canaliser et d’exacerber ces craintes.