Joliette achète la pollution
La Ville veut acquérir un terrain toxique sans forcer le propriétaire à nettoyer au préalable
La Ville de Joliette s’apprête à acheter à gros prix un terrain industriel lourdement contaminé par une entreprise privée. Elle devra nettoyer aux frais des contribuables les hydrocarbures, les métaux lourds et le cyanure qui s’y trouvent.
« En achetant, la Ville décharge le pollueur de ses responsabilités et laisse la décontamination aux frais des contribuables », s’indigne Charles André Fontaine, citoyen de Joliette et notaire à la retraite.
Le terrain appartient à la compagnie Matériaux de construction BP qui y fabriquait, jusqu’en 2016, des produits à base d’asphalte ou de goudron.
L’endroit contient plus de 3000 m3 (un peu plus qu’une piscine olympique) de sol chargé d’hydrocarbures et de métaux lourds, dont du cuivre et du plomb, soit l’équivalent de 4500 tonnes de terre toxique. Le Journal a pu consulter une analyse effectuée par Sanexen, une entreprise de restauration de sites contaminés.
La firme spécialisée en décontamination indique également que l’eau souterraine est contaminée au zinc et au cyanure.
Sanexen prévient que les taux de contamination atteignent un « seuil d’alerte », car les polluants se déversent dans la rivière L’Assomption et le terrain voisin.
PAS DE DÉCONTAMINATION
« Comme notaire, jamais je n’aurais conseillé à un client d’acheter ça. Ou bien il faudrait faire une étude pour connaître le coût de la décontamination et ajuster le prix d’achat en conséquence », souligne M. Fontaine.
Le mois dernier, le conseil municipal de Joliette a pourtant décidé d’acheter le site pour un montant de 2 millions $, soit le montant de l’évaluation municipale, sans décontamination préalable. Les citoyens ont jusqu’à demain pour réclamer un référendum.
Le rapport commandé par le ministère de l’Environnement est daté de septembre dernier. Dès le mois suivant, le ministère a émis un avis de contamination du terrain.
L’avis indique que le propriétaire du site contrevient à la Loi sur la qualité de l’environnement.
Le ministère n’a toutefois pas répondu au Journal qui souhaitait savoir quelles sanctions avaient été imposées à Matériaux de construction BP. L’entreprise n’a pas non plus répondu à notre appel.
Le maire de Joliette, Alain Beaudry, se félicite d’avoir mis le grappin sur ce site toxique.
GARDER LE CONTRÔLE
« En bon gestionnaire et pour les générations futures, je pense que cette acquisition était nécessaire. Nous nous assurons de garder le contrôle sur la vocation future du site au bénéfice des citoyens. Nous aurons une belle carte dans notre jeu ! » a-til déclaré par voie de communiqué, lors de l’annonce de la transaction, en août. La porte-parole de la Ville, Sonia Hénault, indique au Journal qu’« une éventuelle décontamination des lieux est évaluée à un peu plus de 2 M$ ». Sans fournir de plan de nettoyage ou de devis, elle affirme que cette évaluation est basée sur le rapport de Sanexen.
Elle ajoute que « le développement du secteur permettrait d’amortir complètement les frais de réhabilitation du terrain ». Une étude démontrant cette prévision n’a toutefois pas été fournie au Journal.