Notre télé a-t-elle un autre Plan B ?
Dimanche, la Place des Arts était grouillante de beau monde. Près de 2000 milléniaux dans des atours originaux, mais toujours chics. Parmi eux, une bonne centaine de « boomers », faciles à repérer dans leurs oripeaux de soirée du siècle dernier.
Maripier Morin était lumineuse sous ses voiles noirs, Ludivine Redding éblouissante dans sa spectaculaire redingote blanche, Salomé Corbo et Laurence Leboeuf étaient flamboyantes dans leurs robes en couleurs. Je ne dis rien de Magalie Lépine-Blondeau, impériale dans une robe longue aux lignes classiques. Mais si fragile au moment de remercier.
En observant ces vedettes qui défilaient triomphalement sur le tapis rouge, ralenties par les admirateurs en quête d’autoportraits, je n’ai pu m’empêcher de penser aux soirées des prix Écrans (ex-Gemini) à Toronto. Là-bas, la circulation sur le tapis rouge est plus fluide. Les curieux sont épars et moins affamés de photos et d’autographes.
MACÉRER À HOLLYWOOD
Dans la métropole canadienne, les « vraies » vedettes ne sont pas nombreuses à être du cru, car elles doivent macérer à Hollywood avant de venir faire la roue sur un tapis rouge torontois. C’est ainsi que les seules soirées fastueuses équivalentes à celle de nos prix Gémeaux se déroulent plutôt au TIFF.
Le TIFF, c’est le « Toronto International Film Festival », un événement qui a fait sa réputation internationale en invitant à ses frais les vedettes les plus en vue de Hollywood. Pour ces stars, quelle que soit leur nationalité, les Torontois font la queue. Mais ils ne sortent pas pour celles qui brillent juste à la CBC, à CTV ou à Global. Seulement 420 000 personnes ont regardé le gala des prix Écrans le 11 mars dernier. La population de Laval !
COMBIEN DE TEMPS ENCORE ?
Combien de temps notre monde de la télévision restera-t-il aussi grouillant et enthousiaste ? Combien de temps encore cette opulente soirée des prix Gémeaux fera-t-elle illusion ? Il faut l’avouer, notre télévision se promène en limousine, mais n’aurait que les moyens de se balader à vélo. Les diffuseurs le savent bien qui peinent à joindre les deux bouts. Les producteurs, les interprètes et les artisans le savent aussi qui doivent produire les émissions de demain avec les budgets d’hier.
La publicité migre vers internet. Le phénomène, désormais irréversible, s’accentue. Malgré le projet du gouvernement fédéral de combler le manque à gagner, la part que les distributeurs de télévision versent aux fonds d’aide s’amenuise. Quant aux crédits d’impôt, les augmenter soulèverait un tollé des industries qui ne sont pas subventionnées ou le sont moins.
UN AUTHENTIQUE PLAN B ?
Dimanche, la série Plan B de la chaîne Séries+ a remporté avec surprise, mais à juste titre, le Gémeau de la meilleure série dramatique. Pendant qu’on remettait le trophée à ses auteurs, je me suis demandé si nos diffuseurs, fragilisés de plus en plus par la conjoncture, avaient eux aussi un plan B.
Envisagent-ils de réduire le nombre de chaînes ? De diminuer la quantité de séries originales ? De multiplier les reprises ? De hausser le coût d’abonnement à tou.tv et illico ? D’augmenter leur présence sur internet dans l’espoir de compenser les pertes de publicité à l’écran ? De s’insurger contre les obligations du CRTC ? De faire enfin front commun ?
Vivement un plan B qui ne soit pas de la fiction !