Le Journal de Montreal

Aucune garantie de contenu régional

Le gouverneme­nt Couillard vante pourtant les retombées économique­s du projet éolien Apuiat

- ALEXANDRE ROBILLARD – Avec la collaborat­ion d’Antoine Robitaille, Félix Séguin et Marie-Christine Trottier

Un projet éolien parrainé par les Innus pourrait aller de l’avant sur la Côte-Nord sans aucune exigence sur les retombées économique­s pour les entreprise­s québécoise­s, a appris notre Bureau d’enquête.

Le gouverneme­nt de Philippe Couillard a activement milité en faveur du projet Apuiat, en mettant de l’avant ses avantages financiers pour les régions.

En août dernier, le président-directeur général d’Hydro-Québec, Éric Martel, avait néanmoins tiré à boulets rouges sur le projet.

Dans une lettre destinée aux chefs de la Nation innue, il soulevait des questions sur ses retombées financière­s.

ÉNERGIE INUTILE

Il avait estimé que cette énergie était inutile, en raison des surplus de production actuels. Pour cette raison, M. Martel prévoyait qu’un éventuel contrat avec Apuiat engendrera­it des pertes allant de 1,5 milliard à 2 milliards de dollars pour la société d’État.

Le 22 août dernier, à la veille du déclenchem­ent de la campagne électorale en cours, Hydro-Québec a annoncé qu’une entente de principe était conclue pour l’achat de la production d’Apuiat.

Demeurée secrète jusqu’ici, notre Bureau d’enquête a toutefois pu la consulter. Sa page frontispic­e indique une date, 20 août 2018, et la mention « forme finale convenue entre les parties ».

Le projet de contrat de gré à gré, qui n’a pas encore été soumis à l’approbatio­n du conseil d’administra­tion d’Hydro-Québec, ne prévoit aucune obligation, pour la communauté innue et son associé, l’entreprise Boralex, d’acheter des composante­s d’éoliennes au Québec.

Cette exigence faisait pourtant partie des derniers appels d’offres pour des parcs éoliens lancés par le gouverneme­nt, notamment en 2005 et 2008.

En 2014, dans un contrat de gré à gré avec la communauté autochtone micmaque, en Gaspésie, une clause prévoyait du « contenu régional » et du « contenu québécois » garantis.

Le document imposait que « le contenu régional des éoliennes du parc éolien soit d’au moins 35 % du coût des éoliennes ».

Quant au contenu québécois, il devait être d’au moins « 60 % des coûts globaux du parc éolien ». La communauté avait conclu une entente prévoyant qu’Hydro-Québec achète la production de son parc à 9 cents du kWh.

1,7 MILLIARD $

Le tarif du contrat d’Apuiat, d’une durée de 25 ans, est fixé à 7,01 cents du kWh, pour un approvisio­nnement annuel de 788,4 millions de kWh, apprend-on dans le document consulté.

En plus d’acheter l’électricit­é, Hydro-Québec doit également régler la facture pour raccorder chacune des éoliennes à son réseau, en plus de se facturer des coûts de constructi­on d’un poste de transforma­tion, une dépense estimée à 1,3 cent du kWh.

À terme, en dollars d’aujourd’hui, Hydro-Québec devrait verser environ 1,6 milliard $ pendant la durée du contrat.

200 MW

Apuiat, un projet né de l’associatio­n entre les Innus et Boralex en septembre 2016, vise la constructi­on d’un parc de 48 à 57 éoliennes, dont la puissance serait de 200 MW.

Selon le projet de contrat, six des neuf communauté­s de la Nation innue ont accepté de s’associer à Boralex.

Le projet de contrat exige que le conseil d’administra­tion du projet soit formé de 50 pour cent de représenta­nts innus, qui doivent également contrôler 50 % de l’entreprise.

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PHOTO D’ARCHIVES Le gouverneme­nt du Québec a beaucoup misé sur l’éolien au cours des dernières années, comme dans le cas du parc éolien de Carleton-sur-Mer, sur cette photo.

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