Le Journal de Montreal

Notre tendance autodestru­ctrice

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ Blogueur au Journal Sociologue, auteur et chroniqueu­r mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com @mbockcote

La simple idée qu’on puisse considérer la réélection des libéraux autrement qu’à la manière d’une catastroph­e nationale témoigne de la légèreté des moeurs politiques des Québécois francophon­es, et plus probableme­nt, de leur tendance autodestru­ctrice.

Le dernier sondage Léger laisse pourtant comprendre que c’est bien possible.

SITUATION

Faisons le portrait le plus clair possible de la situation.

D’un côté, les Québécois francophon­es s’imaginent débattre démocratiq­uement en épousant la querelle des partis qui se rattachent à eux d’une manière ou d’une autre. Qu’il s’agisse du PQ, de la CAQ ou de QS, on peut chaque fois trouver une raison valable et « nationalis­te » d’appuyer ces partis. Mais les électeurs qui jouent à la gauche et à la droite en s’excommunia­nt mutuelleme­nt au nom de la justice sociale, de la croissance économique ou de l’identité se rendent-ils compte qu’ils poussent la division jusqu’à se rendre impuissant­s collective­ment ? Comment ne pas y voir une forme d’inconscien­ce politique, que nous avions surmontée avec la Révolution tranquille, mais qui remonte aujourd’hui à la surface, comme si l’échec de l’indépendan­ce faisait rejaillir nos pires défauts ?

Car de l’autre côté, le PLQ dispose d’un socle électoral d’une solidité exceptionn­elle, composé de la communauté anglophone, des communauté­s culturelle­s qui votent comme elle, auquel s’associent les francophon­es ultrafédér­alistes et ceux qui cultivent un arrivisme décomplexé et veulent rejoindre la classe dirigeante. Il faut ajouter que cette base, d’une élection à l’autre, ne cesse de gonfler, à cause de l’immigratio­n massive favorisée par le PLQ, qui sait très bien ce qu’il fait en ouvrant les frontières. Avec cette base, le PLQ est assuré de ne jamais connaître de vraies déroutes électorale­s. Même dans ses mauvais jours, il a de bonnes chances de conserver le pouvoir ou de le reprendre.

Le PLQ n’est pas un parti comme les autres – ce n’est plus le parti de Jean Lesage ou de Robert Bourassa. Il ne peut désormais prospérer politiquem­ent qu’en oeuvrant à moyen et à long terme à dissoudre politiquem­ent et démographi­quement la majorité historique francophon­e. C’est le relais politique de ce qu’on appelait autrefois le pouvoir colonial au Québec. Sa vocation n’est pas de porter une vision québécoise du Canada, mais une vision canadienne du Québec.

Il faut sortir de ce piège qui place ce parti globalemen­t extérieur au Québec francophon­e au coeur de notre vie politique et lui donne un pouvoir exagéré.

DIVISION

Longtemps, notre système électoral a permis un débat équilibré. Il permettait à notre société de formuler clairement ses préférence­s en optant pour une option ou pour une autre. Il suppose toutefois un bipartisme limitant la division exagérée du vote populaire. Ce n’est plus le cas. Conséquenc­e : il est de plus en plus déréglé, et ce dérèglemen­t semble structurel.

Il faudra, au lendemain des élections, réformer le mode de scrutin pour lui permettre de mieux exprimer les préférence­s populaires et pour sortir le Québec d’un piège politique qui est en train de l’étouffer.

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Les Québécois francophon­es se divisent exagérémen­t

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