Notre tendance autodestructrice
La simple idée qu’on puisse considérer la réélection des libéraux autrement qu’à la manière d’une catastrophe nationale témoigne de la légèreté des moeurs politiques des Québécois francophones, et plus probablement, de leur tendance autodestructrice.
Le dernier sondage Léger laisse pourtant comprendre que c’est bien possible.
SITUATION
Faisons le portrait le plus clair possible de la situation.
D’un côté, les Québécois francophones s’imaginent débattre démocratiquement en épousant la querelle des partis qui se rattachent à eux d’une manière ou d’une autre. Qu’il s’agisse du PQ, de la CAQ ou de QS, on peut chaque fois trouver une raison valable et « nationaliste » d’appuyer ces partis. Mais les électeurs qui jouent à la gauche et à la droite en s’excommuniant mutuellement au nom de la justice sociale, de la croissance économique ou de l’identité se rendent-ils compte qu’ils poussent la division jusqu’à se rendre impuissants collectivement ? Comment ne pas y voir une forme d’inconscience politique, que nous avions surmontée avec la Révolution tranquille, mais qui remonte aujourd’hui à la surface, comme si l’échec de l’indépendance faisait rejaillir nos pires défauts ?
Car de l’autre côté, le PLQ dispose d’un socle électoral d’une solidité exceptionnelle, composé de la communauté anglophone, des communautés culturelles qui votent comme elle, auquel s’associent les francophones ultrafédéralistes et ceux qui cultivent un arrivisme décomplexé et veulent rejoindre la classe dirigeante. Il faut ajouter que cette base, d’une élection à l’autre, ne cesse de gonfler, à cause de l’immigration massive favorisée par le PLQ, qui sait très bien ce qu’il fait en ouvrant les frontières. Avec cette base, le PLQ est assuré de ne jamais connaître de vraies déroutes électorales. Même dans ses mauvais jours, il a de bonnes chances de conserver le pouvoir ou de le reprendre.
Le PLQ n’est pas un parti comme les autres – ce n’est plus le parti de Jean Lesage ou de Robert Bourassa. Il ne peut désormais prospérer politiquement qu’en oeuvrant à moyen et à long terme à dissoudre politiquement et démographiquement la majorité historique francophone. C’est le relais politique de ce qu’on appelait autrefois le pouvoir colonial au Québec. Sa vocation n’est pas de porter une vision québécoise du Canada, mais une vision canadienne du Québec.
Il faut sortir de ce piège qui place ce parti globalement extérieur au Québec francophone au coeur de notre vie politique et lui donne un pouvoir exagéré.
DIVISION
Longtemps, notre système électoral a permis un débat équilibré. Il permettait à notre société de formuler clairement ses préférences en optant pour une option ou pour une autre. Il suppose toutefois un bipartisme limitant la division exagérée du vote populaire. Ce n’est plus le cas. Conséquence : il est de plus en plus déréglé, et ce dérèglement semble structurel.
Il faudra, au lendemain des élections, réformer le mode de scrutin pour lui permettre de mieux exprimer les préférences populaires et pour sortir le Québec d’un piège politique qui est en train de l’étouffer.