Convictions et foutaises vertes
Mascarade écologique, écoblanchiment, les néologismes ne manquent pas pour décrire la tendance des entreprises et des gouvernements à donner l’illusion qu’ils défendent l’environnement, alors qu’ils n’en font rien.
Depuis son retour de la conférence de Paris, en 2016, Philippe Couillard a été dépeint comme un « géant vert », obsédé de l’environnement. Ça lui a nui particulièrement dans la région de Québec.
Dire qu’il ne fait que dans l’« écoblanchiment » serait sévère, car il y a une réelle part de conviction chez lui. Pensons à ses décisions cruciales en matière de transport en commun : REM à Montréal et tramway à Québec.
Il reste que la politique est l’art du possible. Et il a par exemple autorisé la construction de l’usine la plus polluante de l’histoire du Québec, la cimenterie de Port-Daniel en Gaspésie.
PREMIÈRE ANNONCE
Au 30e jour de la campagne, hier, Philipe Couillard a fait la première annonce en matière d’environnement.
Sous un gouvernement « Couillard II », les pailles en plastique dans les bars et les restaurants seront interdites.
Le plastique est pratique, mais c’est une plaie environnementale. Le chef libéral rappelait hier le cri d’alarme de l’ONU, lancé fin 2017 : d’ici 2050, il y aura plus de plastique dans les mers que de poissons !
La masse de débris de plastique qui flotte dans les eaux internationales aura bientôt une taille aussi grande que le territoire du Québec, a souligné M. Couillard avec à propos.
Le G7, à l’exception des États-Unis trumpiens, a approuvé, en juin, lors de sa réunion dans Charlevoix, la Charte sur les plastiques dans les océans.
POURQUOI JUSTE LES PAILLES ?
Mais pourquoi, ici au Québec, s’arrêter aux pailles ?
Le plastique jetable est devenu tellement omniprésent qu’on ne le voit plus. Pensons aux couvercles de nos gobelets de café à usage unique, aux milliards de bouteilles d’eau, etc.
Aussi, le PLQ promet, s’il garde le pouvoir, de « recycler davantage ». Il fera des investissements massifs (non chiffrés) afin de moderniser les centres de tri. Ceux-ci pourront accepter d’ici 2022 « l’ensemble des types de plastiques, incluant le plastique no 6 ».
Un éventuel gouvernement libéral aiderait aussi les municipalités à avoir une meilleure offre de recyclage, notamment « par l’installation d’un bac près de chaque poubelle publique ». Tout cela serait très bien.
Mais nous traversons une crise de la collecte sélective et du recyclage. On trie nos déchets. Mais les débouchés sont nuls.
Par exemple, la seule usine qui fait encore du verre recyclé est contrainte d’en importer parce que celui recueilli au Québec par la collecte sélective est trop souillé. Cela serait réglé bientôt, jurent les tenants de la collecte sélective. Attendons avant de nous réjouir.
RECYCLAGE EN CRISE
Il reste que le bac bleu connaît des ratés ; il est peut-être même un échec en matière de recyclage. Le principe de la consigne, comme celle sur les bouteilles de bière et plastiques, est beaucoup plus efficace, mais depuis longtemps on sait qu’elle doit être modernisée. Sous Couillard, un plan ambitieux du ministre David Heurtel (lancé sous Pierre Arcand) pour renouveler et élargir la consigne a été annihilé en raison d’énormes pressions de lobbies. Quand j’ai souligné à M. Couillard hier que le recyclage était en crise et que la consigne était plus efficace, sa réponse m’a fait comprendre qu’il n’y aurait pas de renouveau de la consigne s’il conservait le pouvoir : « C’est ben de valeur, les gens ont autre chose à faire dans leur vie. Ils n’iront pas [retourner leurs bouteilles] ». Dommage, c’est le système le plus efficace, car il donne une valeur à ce qui serait autrement vu comme un « détritus ». En plus, il trie à la source la matière et cela évite de souiller cette dernière. Il faut donc conclure qu’en cette matière, le PLQ a choisi une forme d’« écoblanchiment ».