Le Journal de Montreal

Des PDG qui misent sur le Québec

Alors que des entreprise­s dégarnisse­nt leurs sièges sociaux, d’autres rapatrient ici des postes de l’étranger

- SYLVAIN LAROCQUE Le Journal de Montréal

Des sièges sociaux quittent le Québec ou rétrécisse­nt comme peau de chagrin, mais d’autres, au contraire, s’affirment fièrement et prennent de l’expansion. Certains vont jusqu’à rapatrier ici des postes de New York et de Londres.

Alors qu’elle était confrontée à des affaires de collusion et de corruption au Québec, la firme d’ingénierie Genivar s’est alliée à la Caisse de dépôt pour faire de grosses acquisitio­ns à l’étranger. D’abord au RoyaumeUni, en 2012, puis aux États-Unis, en 2014.

Devenue WSP Global, l’entreprise a fermé des sièges sociaux à Londres et à New York. Elle a licencié des employés là-bas et a transféré leurs fonctions à Montréal. CGI a fait de même après l’achat de la firme britanniqu­e Logica, en 2012.

« Ça avait juste du sens de rapatrier ces postes à hauts salaires au même endroit, ici au Québec », raconte au Journal le jeune PDG de WSP, Alexandre L’Heureux.

Résultat : la taille du siège social de WSP a quintuplé en huit ans, passant de moins de 20 salariés à près de 100 aujourd’hui. Chez CGI, le siège montréalai­s a plus que doublé en six ans.

« WSP va continuer à croître et le siège social va suivre, insiste M. L’Heureux. C’est important pour nous d’avoir nos hauts dirigeants rassemblés ici. L’allocation du capital, la stratégie de l’entreprise, les décisions d’acquisitio­n et de désinvesti­ssement, tout cela se fait à Montréal. »

L’UN DES PLUS VIEUX

Avec celui de Bell, le siège social du Canadien National est l’un des plus anciens du Québec. Mais contrairem­ent à Bell, le CN a toujours son centre nerveux à Montréal, juste au-dessus de la Gare Centrale.

Le poids de la métropole avait certes reculé pendant le règne de l’Américain Hunter Harrison, de 2003 à 2009, mais la situation s’est rétablie depuis que Claude Mongeau, Luc Jobin et Jean-Jacques Ruest se sont succédé au poste de PDG.

« Il va de soi qu’avoir un PDG du Québec renforce l’importance d’être à Montréal », relève Sean Finn, un vice-président exécutif qui fait partie de la haute direction du CN depuis 2000.

À ses yeux, avoir un siège social fort constitue un avantage concurrent­iel. « Avoir la haute direction sur le même étage, ça accélère la prise de décisions, constate-t-il. Il n’y a rien de mieux que de discuter d’un dossier en personne. »

Richard Lord, le grand patron de Quincaille­rie Richelieu, une entreprise montréalai­se méconnue dont les revenus frisent pourtant le milliard de dollars, assure qu’il n’a pas de mal à recruter des profession­nels de haut niveau pour son siège social.

COMPÉTENCE­S DÉVELOPPÉE­S

« Non seulement peut-on les trouver, mais on développe leurs compétence­s, affirme-t-il. À la haute direction, on a l’exigence de pouvoir parler français. Il y a des gens venus d’ailleurs qui ont appris le français, et on en est très fiers. »

« Le Québec est une super pépinière de talents, alors on n’a aucune raison de penser à aller ailleurs », renchérit Alexandre L’Heureux.

Les impôts élevés du Québec peuvent rebuter certains candidats de l’extérieur, reconnaît M. Finn, mais le CN accepte parfois de les « compenser » financière­ment pour les attirer ici.

UN ARGUMENT DE VENTE

« Il faut quand même dire que le siège social est un argument de vente en luimême, précise-t-il. Les gens savent qu’en venant ici plutôt que dans un bureau-satellite, ils vont travailler sur des dossiers intéressan­ts et avoir accès aux cadres qui ont un pouvoir décisionne­l. »

Après tout, un grand siège social rayonne partout dans le monde. « Nos employés à l’étranger voient qu’on a des gens de qualité au Québec qui sont là pour les soutenir », souligne M. L’Heureux.

Pour lui, le Québec doit appuyer sur l’accélérate­ur. « On n’en a pas assez, des sièges sociaux, lance-t-il. C’est un poumon économique pour bien des villes. Sinon, ça se passerait à New York ou à Londres. »

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