Le Journal de Montreal

Un Québec estropié

- CLAUDE VILLENEUVE claude.villeneuve@quebecorme­dia.com @vclaude

Quand j’étais un chroniqueu­r tout frais émoulu, j’avais attiré une attention inattendue en critiquant le chef de mon ancienne formation politique, qui est accessoire­ment le propriétai­re du Journal dans lequel j’écris. Pierre Karl Péladeau n’avait pas fermé la porte à la partition d’un Québec souverain et je l’avais accusé de manquer de culture politique.

Le temps a passé. Pierre Karl Péladeau est revenu chez Québecor et moi, bien, je suis encore là. En toute justice, je ne peux donc manquer de m’en prendre aujourd’hui avec la même vindicte à des acteurs politiques qui ont mis les pieds dans les mêmes plats.

CONSENSUS

Manon Massé rappelait hier le processus d’accession à l’indépendan­ce proposé par sa formation politique. Une assemblée constituan­te, élue au suffrage universel, serait pleinement libre de ses délibérati­ons, même s’il devait être question de partition du territoire.

« On va partir avec les délimitati­ons actuelles du Québec, puis on va discuter avec nos frères et soeurs autochtone­s », a dit la co-porte-parole. « Nous, on est convaincus que ce n’est pas quelque chose qui va arriver », a ajouté Catherine Dorion, candidate dans Taschereau. D’accord. On va s’entendre sur ce dont on parle, ici.

Depuis 1912, date de la fixation des frontières du Québec, l’intégrité de notre territoire est un des principaux consensus de notre débat politique.

Depuis Lomer Gouin, tous les premiers ministres, qu’ils aient été libéraux, unionistes ou péquistes, qu’ils aient été fédéralist­es ou souveraini­stes, ont tous refusé, sans aucune nuance, d’accepter la validité de l’hypothèse selon laquelle le Québec pourrait être morcelé.

Depuis la formation du mouvement souveraini­ste, on assume que la nation québécoise forme un tout et qu’elle englobe tous les gens qui vivent sur ce vaste territoire et qu’ils sont libres de participer à son développem­ent et qu’ils ont un droit égal de bénéficier de ses richesses.

Et c’est exactement sur ce genre de point que Québec solidaire démontre à quel point il propose une rupture radicale avec la manière dont le Québec se définit.

CE QUI FAIT LE QUÉBEC

Le projet d’assemblée constituan­te de Québec solidaire est problémati­que à la base. Si cette assemblée est représenta­tive de ce que le Québec est actuelleme­nt, comment pourrait-elle être autrement que de droite et fédéralist­e ? On va régler ça avec une campagne d’éducation populaire et des discussion­s pour rallier les gens autour d’une constituti­on, répond-on. Comme si ça ne faisait pas un demi-siècle qu’on en parle.

Quand on travaille un sympathisa­nt de QS au corps, il finit toujours par nous dire que les frontières sont un concept issu d’institutio­ns coloniales, donc peu légitimes et qu’il ne faut pas trop s’y attacher. Un peu la même chose que le fait français et le reste de ce qui fait le Québec, en somme.

Rendu là, si on accepte l’hypothèse que les autochtone­s puissent partir avec une partie majeure de notre territoire, en vertu de quoi refuserait-on ce droit aux descendant­s des loyalistes des Cantons-de-l’Est ? Aux Outaouais qui travaillen­t en Ontario ? Aux Beaucerons qui auront voté Non ?

C’est ça le problème, avec la démarche d’accession à la souveraine­té de QS. On savait déjà qu’elle avait peu de chances d’aboutir à un Québec pays. On sait désormais que s’il devait advenir dans ces conditions, il serait manifestem­ent estropié.

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Le co-porte-parole de Québec solidaire Gabriel Nadeau-Dubois

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