Quand un fleuron perd ses racines
L’arrivée d’un PDG anglophone aurait changé le visage d’Uni-Sélect
« Quand monsieur Buckley est rentré, on a vu un changement de philosophie assez drastique », raconte André Gamelin, propriétaire de Pièces d’auto Super, à Saint-Hubert.
Durant plus de 15 ans, sa PME a été membre d’Uni-Sélect. M. Gamelin n’a que de bons mots pour ses ex-dirigeants. « Même s’ils avaient des postes de haute direction, avec de grosses connaissances, ils pouvaient te questionner. Tu pouvais leur parler », se souvient-il.
Mais les choses ont changé quand Henry Buckley a pris la tête d’Uni-Sélect à partir de la Colombie-Britannique en 2015. « Uni-Sélect avait un modèle d’affaires québécois, c’est devenu une vision corporative coast to coast », se rappelle André Gamelin.
À son arrivée, l’association créée il y a 50 ans par une douzaine de grossistes québécois qu’était Uni-Sélect s’est éloignée de ses distributeurs, note l’ex-membre de son comité stratégique national.
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L’anglais s’est imposé. Du PDG unilingue... jusqu’aux noms des entreprises du réseau, un affront pour les propriétaires québécois de deuxième ou de troisième génération, selon M. Gamelin.
« Les entrepreneurs peuvent accepter un bout de temps la vision corporative, mais de là à arracher leur enseigne pour mettre Bumper to Bumper, moi il n’en aurait pas été question. Jamais », tranche le patron de Pièces d’auto Super, qui a abandonné le navire.
André Gamelin affirme qu’à l’époque les magasins étaient « forcés » de commander les produits maison d’Uni-Sélect. « Tu n’as pas la liberté de choisir les produits que tu veux. À long terme, ça crée des malaises », explique l’homme.
Même le système informatique, conçu par la compagnie québécoise Mediagrif, avait été mis de côté pour un logiciel américain dans les magasins corporatifs, dénonce-t-il.
L’ex-distributeur d’Uni-Sélect, Pièces d’auto Super, n’est pas le seul à sentir les effets de la « vision corporative » d’Uni-Sélect.
FOURNISSEUR À RISQUE
À Montréal-Nord, le fournisseur québécois de pièces d’automobiles réusinées, Armatures DNS 2000, a de la pression sur les épaules depuis qu’Uni-Sélect s’est mise en vente la semaine dernière.
Armatures DNS 2000 peut difficilement se passer d’elle parce que 40 % de son chiffre d’affaires vient des ventes avec ce géant, soit plus de six millions $ sur 15 millions $.
Résultat, le nuage noir d’un changement de fournisseur plane désormais au-dessus de la tête de son grand patron, Joe Rinaldi.
« Si une compagnie américaine achète Uni-Sélect, peut-être qu’ils vont aller vers un fournisseur américain ? », se demande M. Rinaldi, qui dirige la PME fondée en 1977.
Mais Joe Rinaldi refuse de s’inquiéter d’une situation hors de son contrôle. Il est fier de donner du travail à des Québécois et est déterminé à vendre ses produits. Et, surtout, il n’attend rien du gouvernement, comme il tient à le préciser.