Le Journal de Montreal

Laval – L’identité au coeur d’un duel

- RÉMI NADEAU Chef du Bureau parlementa­ire à Québec remi.nadeau@quebecorme­dia.com @RNadeauJDE­Q

À Laval, troisième ville en importance au Québec, un duel serré entre libéraux et caquistes se profile pour lundi prochain. Une visite sur le terrain a permis de mesurer l’émotivité que génèrent les débats sur la langue et l’immigratio­n.

Au paradis des centres d’achats, du trafic et des bretelles d’autoroutes, on sent un clivage entre les Québécois de souche et les membres des communauté­s culturelle­s.

En arpentant les cours des centres commerciau­x, au soleil, j’ai rencontré plusieurs Lavallois qui définissen­t leur vote par la question identitair­e.

« J’ai 50 ans, je suis née ici, moi, on est super accueillan­t, et je suis tannée de me faire dire que je suis raciste », lance avec déterminat­ion une dame, qui votera cette fois pour la CAQ, alors qu’elle avait appuyé Philippe Couillard en 2014, contre « Pauline Marois et les casseroles ».

À l’autre bout du spectre, une famille d’anglophone­s, installée au Québec depuis 25 ans, me lance en coup de vent qu’il n’y a pas « d’autre choix que le PLQ », après m’avoir demandé si je pouvais poser mes questions en anglais. « Il faut une société ouverte et bilingue », insistent-ils en s’éloignant rapidement.

Une jeune Algérienne volubile de 28 ans, qui vit ici depuis 14 ans, m’explique également qu’elle votera pour les libéraux, encore cette fois-ci, en accusant dans un cri du coeur le PQ et la CAQ de chercher à gagner des votes sur le dos des immigrants.

« Je sais bien qu’on est trop taxé et que les libéraux ne sont pas parfaits, je ne suis pas conne, mais eux ils nous les lâchent avec ça, l’immigratio­n. Comment voulez-vous qu’on se sente Québécois ? » Son chum, un gars du Maroc, me dit, avec un sourire timide, « vous l’avez crinquée, elle va remplir votre journal ». Loin de ces préoccupat­ions, dans le stationnem­ent, des jeunes de différente­s nationalit­és réunis par le plaisir ludique jouent un match de hockey-bottines.

AUTRE SON DE CLOCHE

Mais ce ne sont pas tous les nouveaux arrivants qui sont rebutés par la diminution du seuil d’immigratio­n proposée par François Legault.

Un père de famille originaire du Sénégal, installé au Québec depuis 10 ans, a l’intention de voter pour la CAQ, parce que, selon lui, l’important, ce n’est pas le nombre, mais « la chance qui est donnée pour se trouver un emploi ».

Il en a particuliè­rement contre les explicatio­ns de Philippe Couillard sur la possibilit­é de faire manger un adulte et deux adolescent­s avec 75 $ par semaine. « Il ne l’a pas vécu, lui, c’est sûr », me lance spontanéme­nt celui qui en a arraché à son arrivée.

Un jeune couple de Colombie, qui ne parlait pas français en débarquant il y a quatre ans, a aussi préféré François Legault malgré tout, lors de l’écoute du dernier débat, « pour ses mesures pour la famille ».

ANGLAIS – LANGUE DE TRAVAIL

Bien placé pour juger des propositio­ns de tests de français et des valeurs, un Algérien en attente de sa citoyennet­é, employé dans une entreprise pharmaceut­ique, parle d’un « terrain glissant ». Selon lui, la CAQ sait qu’elle ne pourra expulser personne. Puis, il me balance un constat qui fait mal au coeur : pour travailler à Laval ou à Montréal, il faut surtout manier la langue de Shakespear­e. « Les gens qui me demandent si c’est une bonne idée de venir au Québec, je leur dis : sois d’abord bon en anglais, parce que c’est nécessaire pour le travail. Une fois ici, tu apprendras le français », résume-t-il.

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La circonscri­ption de Laval-des-Rapides est l’objet d’une lutte serrée et émotive, principale­ment entre libéraux et caquistes

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