Une enquête bâclée a permis aux Bougon d’éviter la prison
Le ministère a obtenu de la preuve sans jamais avoir de mandat
La famille de réfugiés qui s’en est sortie avec clémence après avoir fraudé l’aide sociale pendant 12 ans était passée à deux doigts d’obtenir un arrêt des procédures en raison du travail « grossièrement » bâclé d’un enquêteur.
« L’enquêteur a violé les droits des accusés en ayant grossièrement omis de considérer toute la panoplie des droits [des accusés] », peut-on lire dans un document de cour déposé dans le dossier d’une famille digne de la série Les Bougon, c’est aussi ça la vie !
La fraude de Mohammed Ibrahim ainsi que de ses trois fils Shakib, Tanvir et Igbal Rahman a commencé en 1999, quand ils sont arrivés au Québec comme réfugiés du Bangladesh. En « mélangeant » leurs noms et prénoms et avec différentes adresses postales, ils ont ainsi pu récolter plusieurs chèques d’aide sociale chacun, tous les mois.
Ils ont ainsi obtenu 236 000 $ illégalement, mais, à la suggestion des avocats, ils s’en sont sortis avec un remboursement et des travaux communautaires. Les fils ont aussi obtenu l’absolution, c’est-à-dire l’absence de casier criminel.
La fraude a été découverte au moment de leur demande de citoyenneté. Un fonctionnaire a réalisé que plusieurs noms étaient rattachés à la même photo. Un enquêteur du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale [MTESS] s’est alors mis sur le dossier.
INFOS ILLÉGALES
Cet enquêteur a recueilli de la preuve, dont des contrats des suspects avec Postes Canada, leurs informations bancaires et même des détails confidentiels auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada.
Le hic, c’est que toutes ces informations auraient été acquises illégalement.
« L’enquêteur n’a jamais demandé d’autorisation judiciaire ni aucun mandat au cours de son enquête, ont déploré les avocats Antonio Cabral et David Petranic dans une requête. La violation est trop grave pour ne pas être sanctionnée. »
Les avocats ont demandé l’arrêt pur et simple des procédures. Mais elle n’a jamais été plaidée, puisque la Couronne aurait ensuite accepté de négocier, puis de consentir à des peines clémentes à condition que les accusés remboursent l’argent.
Pour les accusés, l’entente était aussi satisfaisante, car même s’ils étaient convaincus d’avoir gain de cause, il y avait toujours un risque d’échouer et d’être condamnés à la prison.
COLLECTE DE FONDS
Selon nos informations, ce serait pour cette raison que le MTESS s’est dit « satisfait » du dénouement du dossier puisqu’il a quand même pu récupérer son argent.
Une partie des sommes provient d’une collecte de fonds par des proches au Bangladesh, d’après nos informations.
Le père de 48 ans, qui a maintenant un casier criminel, risque la déportation si les services d’immigration décident d’intenter des procédures. En raison de leur absolution, les fils, âgés de la trentaine, pourront vraisemblablement rester au Canada. La mère, Zaheda Begum, elle aussi accusée, a été acquittée le jour où son mari a plaidé coupable.