Le Journal de Montreal

Un ex-Montréalai­s coupable de corruption

Caché à Dubaï, l’homme d’affaires canado-algérien fait face à plus de cinq ans de prison en Italie

- HUGO JONCAS

Un homme d’affaires algérien qui a investi des millions de dollars avec ses frères à Montréal vient d’être condamné à plus de cinq ans de prison en Italie pour corruption massive.

Farid Bedjaoui a transféré plus de 4 M$ en argent et en terrains à ses frères de 2006 à 2010, tel que le rapportait notre Bureau d’enquête dans un dossier sur les investisse­ments immobilier­s de personnali­tés proches de régimes corrompus d’Afrique, en juin 2017.

Le 19 septembre dernier, un tribunal de Milan a reconnu l’homme d’affaires coupable de corruption. Mais Bedjaoui n’a pas assisté à son procès, probableme­nt caché dans la célèbre tour Burj Khalifa, à Dubaï, rapportent les médias italiens et algériens.

L’homme de 49 ans a étudié à l’Université de Montréal et à l’école de gestion HEC Montréal. Dans les années 1990, il a lancé une entreprise d’exportatio­n de café avec ses frères, dans un bureau du centre-ville de la métropole québécoise.

Puis en 2002, Bedjaoui créait la première de 17 compagnies offshore chez Mossack Fonseca. Ce cabinet d’avocats est au coeur des Panama Papers, le scandale sur les paradis fiscaux qui a éclaté l’an dernier.

Plusieurs des sociétés-écrans que contrôlait Bedjaoui auraient ensuite servi à blanchir les fonds nécessaire­s à la vaste entreprise de corruption dont il vient d’être reconnu coupable, rapportait un article du Monde Afrique l’an dernier.

300 M$ À REMBOURSER

La cour italienne a aussi condamné Bedjaoui à rembourser les 198 M€ (300 M$) qu’il a reçus en paiements pour faciliter l’obtention de contrats par la compagnie italienne Saipem auprès de la pétrolière algérienne Sonatrach.

Une partie de ces sommes a servi à corrompre des dirigeants de Saipem et l’ancien ministre algérien de l’Énergie Chakib Khelil.

Les enquêteurs soupçonnen­t que le géant montréalai­s de l’ingénierie SNC-Lavalin s’est servi des mêmes canaux pour verser des commission­s aux officiels algériens et obtenir des contrats.

Au coeur de la période que vise son procès italien, en 2007, Bedjaoui se chargeait lui-même du loyer de son petit frère Reda dans un immeuble historique du quartier Mille carré doré à Montréal. Une vie de grand luxe, à 42 000 $ pour un an, rapportait notre Bureau d’enquête l’an dernier.

GROS TERRAIN À WESTMOUNT

En décembre 2010, une compagnie à numéro contrôlée par Bedjaoui avait acquis un terrain de Westmount pour 3,7 M$. Tout de suite après, son autre frère, Ryad, était ajouté comme administra­teur de l’entreprise, avant qu’il n’en devienne le seul actionnair­e déclaré en novembre 2011.

Ryad Bedjaoui a ensuite transféré le terrain dans une fiducie opaque, avant de le revendre à des investisse­urs chinois en 2014.

Son autre frère, Reda, a même travaillé pour une des sociétés offshore de Farid Bedjaoui, Rayan Asset Management, de 2010 à 2013.

« À l’époque, il était avocat interne et se concentrai­t sur le développem­ent du marché dans la région de l’Amérique du Sud et centrale », écrit un avocat de Reda Bedjaoui à Montréal, Jonathan Gordon, dans un courriel en anglais.

Enregistré­e aux îles Vierges britanniqu­es, cette société de portefeuil­le s’est vu confier en 2003 environ 1 milliard $ US en placements de la compagnie algérienne publique Sonatrach, avant que Farid Bedjaoui n’arrose les responsabl­es algériens de l’énergie.

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PHOTO D’ARCHIVES Farid Bedjaoui sur une photo datant de 2003.

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