Elle ne veut pas que sa terre devienne une banlieue
Une agricultrice malade donne son lopin à la communauté pour le préserver
SAINTE-MÉLANIE | Une agricultrice de Lanaudière atteinte d’un cancer donne sa terre à la collectivité dans le but qu’elle ne devienne jamais un quartier résidentiel.
Céline Poissant s’inquiète de voir plein de quartiers être construits sur des terres agricoles et dans la forêt près de chez elle. La dame de 58 ans a pris les grands moyens pour que son petit paradis qu’elle cultive depuis 32 ans ne devienne pas un désert de béton.
Elle a donné à une fiducie sa parcelle de 200 acres située à Sainte-Mélanie. Elle a bien pris soin de préciser dans les règlements de la fiducie que jamais le terrain ne pourra être vendu et que l’agriculture qui y sera pratiquée sera toujours biologique.
Cette façon de faire permettra à des générations d’agriculteurs de cultiver la terre sans avoir à l’acheter de plus en plus cher chaque fois qu’elle serait vendue.
Mme Poissant et ses enfants demeurent cependant propriétaires des bâtiments de la Ferme des Arpents roses. Mais le fond de terre sera désormais propriété d’une fiducie d’utilité sociale agricole (FUSA) nommée Vallons d’en haut. La fiducie sera gérée par sept membres de la communauté.
« Je vois le développement domiciliaire nous encercler de plus en plus et j’ai voulu poser ce geste avant d’être opérée au cerveau pour mon cancer. Ainsi, personne ne pourra dire que je n’avais pas toute ma tête au moment de prendre cette décision », dit Mme Poissant.
ÉVITER LES CHICANES
La propriétaire depuis 32 ans de la Ferme des Arpents roses dit qu’elle pensait faire ce don depuis longtemps, mais elle a voulu accélérer les choses en voyant son état de santé se dégrader.
« Je veux éviter que mes enfants se déchirent un jour à propos de cette terre », confie-t-elle.
Mme Poissant mentionne qu’elle s’est toujours sentie « gardienne » plutôt que propriétaire. « À mon sens, la terre ne devrait appartenir à personne. »
De ses trois enfants, seul Ludovic Beauregard, 30 ans, est pour le moment impliqué dans l’entreprise. C’est lui qui cultive les légumes biologiques et élève les porcs de pâturage de la ferme. Il devra maintenant louer les lopins qu’il cultive à la fiducie.
« Notre société nous apprend que dans la vie, il faut être propriétaire. C’est tout un changement de paradigme que de renoncer à ça », a-t-il indiqué.
DIFFICILE RÉALITÉ
Accepter que l’endroit où il a grandi ne lui appartienne plus vraiment a été un peu difficile.
« Au début, j’ai trouvé ça bousculant, mais maintenant, j’y vois beaucoup de positif. Je peux rester ici toute ma vie quand même, et ça donne toute une nouvelle perspective de savoir qu’on mène un projet destiné à se poursuivre à perpétuité », dit-il.
Le processus de création de la FUSA Vallons d’en haut a été réalisé avec les conseils de l’organisme Protec-Terre.
« C’est le troisième projet de FUSA mené à terme à ce jour, et d’autres devraient être finalisés au cours de l’année à venir », a souligné le président de Protec-Terre, Hubert Lavallée.
Une campagne de financement est en cours pour soutenir Céline Poissant et sa famille afin d’assumer les coûts de notaire et autres, relatifs à la création de la FUSA Vallons d’en haut.
« J’AI VOULU POSER CE GESTE AVANT D’ÊTRE OPÉRÉE AU CERVEAU POUR MON CANCER. AINSI, PERSONNE NE POURRA DIRE QUE JE N’AVAIS PAS TOUTE MA TÊTE AU MOMENT DE PRENDRE CETTE DÉCISION » – Céline Poissant, propriétaire