Le Journal de Montreal

1001 FAÇONS DE PERDRE SON PRIX NOBEL

AMAL CLOONEY INTERPELLE LA PRÉSIDENTE AUNG SAN SUU KYI

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AFP | La célèbre avocate Amal Clooney a appelé hier la dirigeante birmane et Prix Nobel de la paix, Aung San Suu Kyi, à faire gracier deux journalist­es de l’agence Reuters, emprisonné­s après avoir enquêté sur des assassinat­s de la minorité rohingya. Accusés d’« atteinte au secret d’État », les deux reporters et pères de famille, Wa Lone, 32 ans, et Kyaw Soe Oo, 28 ans, ont été condamnés le 3 septembre à sept ans de prison. Ils sont emprisonné­s depuis décembre 2017, après avoir enquêté sur la répression des Rohingyas par l’armée birmane.

Amal Clooney, avocate libano-britanniqu­e spécialist­e des droits de l’homme, défend les journalist­es depuis mars. Elle a indiqué hier que les familles des deux hommes avaient déjà fait une demande de grâce, lors d’un débat sur la liberté de la presse en marge de l’assemblée générale de l’ONU à New York.

Aux termes de la loi birmane, le président pourrait maintenant décider d’accorder cette grâce, après consultati­on de Suu Kyi, qui est à la tête du gouverneme­nt civil, a-t-elle expliqué.

« Le gouverneme­nt peut, s’il le veut, mettre fin à tout cela aujourd’hui », a déclaré Mme Clooney, épouse de l’acteur George Clooney.

ESPIONS ?

Elle a souligné que Suu Kyi avait autrefois érigé en priorité la libération des prisonnier­s politiques et le besoin d’une presse libre pour arriver à une véritable démocratie. « Elle sait que des assassinat­s en série ne sont pas des secrets d’État et que les révéler ne transforme pas des journalist­es en espions », a fait valoir Clooney.

Suu Kyi a cependant récemment justifié la détention de Wa Lone et Kyaw Soe Oo, rejetant les critiques internatio­nales d’un procès largement perçu comme une tentative de museler la presse. « C’est

elle qui a la clé, la clé de leur liberté [...] la clé d’une Birmanie plus démocratiq­ue et prospère », a ajouté Clooney. « L’Histoire la jugera à sa réponse. »

« UN HÉROS »

Clooney a rappelé que Suu Kyi, qui a étudié dans la même université d’Oxford qu’elle, avait été « un héros » pour elle.

Elle « sait mieux que personne ce que c’est que d’être prisonnier politique en Birmanie. Elle a dormi dans la prison où Wa Lone et Kyaw Soe Oo dorment en ce moment ».

Suu Kyi est désormais très critiquée à l’internatio­nal pour son refus de condamner les atrocités commises par l’armée contre les Rohingyas.

Les députés canadiens ont approuvé unanimemen­t jeudi une motion révoquant la nationalit­é canadienne, accordée à titre honorifiqu­e.

OSLO | (AFP) Il est plus facile de perdre un prix Nobel que de le gagner.

Empruntée pour épater les Norvégienn­es dans les bars ou dissoute pour échapper aux nazis, la précieuse médaille d’or a connu toutes sortes de péripéties dans l’histoire plus que centenaire du Nobel.

Si elle ne peut être retirée au lauréat, quels que soient ses agissement­s ultérieurs, il arrive qu’elle disparaiss­e dans des circonstan­ces loufoques, tragiques ou spectacula­ires.

NOBEL D’ALCHIMIE

Quand les nazis envahissen­t le Danemark en avril 1940, l’Institut de physique théorique de Niels Bohr s’inquiète du sort des médailles Nobel que les scientifiq­ues allemands Max von Laue et James Frank, prix Nobel de physique respective­ment en 1914 et 1925, lui ont confiées pour éviter une confiscati­on.

« Dans l’empire d’Hitler, c’était presque un péché capital de sortir de l’or du pays et, le nom de Laue étant gravé sur la médaille, sa découverte par les forces d’invasion aurait eu de très sérieuses conséquenc­es pour lui », écrira le chimiste hongrois George de Hevesy, qui travaille alors à l’Institut, en 1962.

Après avoir été dissuadé de les enterrer, George de Hevesy entreprend de dissoudre les deux médailles en or 23 carats avec de l’eau régale, seule solution pouvant avoir raison du noble métal.

Gardée sur une étagère, la solution orange obtenue échappe aux griffes des nazis.

La guerre finie, George de Hevesy – qui gagna lui-même le Nobel pour 1943 – provoque la précipitat­ion de l’or en 1950, permettant à la Fondation Nobel de remettre de nouveau des médailles aux deux hommes en 1952.

OFFERTE À GOEBBELS

Épisode moins glorieux, Knut Hamsun offre son Nobel de littératur­e au chef de la propagande nazie Joseph Goebbels en 1943.

Monument de la littératur­e norvégienn­e, l’auteur aux sympathies nazies sera, contre toute évidence, déclaré « mentalemen­t affaibli » et ballotté d’hospice en hospice après la guerre.

On ignore ce qu’il est advenu de cette médaille.

VENDUE AUX ENCHÈRES

Au fil des accidents de la vie, gestes de charité ou partages de succession, les médailles Nobel changent parfois de mains pour être mises aux enchères. Avec des résultats inégaux. Le Nobel de la paix (1926) du Français Aristide Briand est ainsi vendu (post-mortem) à l’encan pour la modeste somme de 12 200 euros (18 294 $) en 2008.

Six ans plus tard, la médaille de James Watson, codécouvre­ur de la structure de l’ADN et auteur de propos polémiques sur les Africains, est adjugée pour la somme mirifique de 4,1 millions de dollars, hors taxes.

Une bonne affaire pour le biologiste américain, d’autant que l’acquéreur, le milliardai­re russe Alicher Ousmanov, décide... de la lui restituer.

Il y a aussi des disparitio­ns involontai­res.

VOLÉES

L’Écomusée de Saint-Nazaire ne gardera que brièvement la médaille d’Aristide Briand qu’il avait acquise à vil prix : elle est dérobée en 2015 et n’a pas été retrouvée depuis. En Inde, des cambrioleu­rs s’emparent en 2017 de la médaille du Nobel de la paix Kailash Satyarthi au domicile de celui-ci. Il s’agit en fait d’une copie – la véritable est exposée dans un musée – qui sera rapidement retrouvée.

Moins de chance pour le Nobel de littératur­e (1913) de feu Rabindrana­th Tagore, subtilisé en 2004 et toujours dans la nature.

CONFISQUÉE

L’avocate et défenseur des droits de l’Homme, Shirin Ebadi, est accusée en 2009 par les autorités iraniennes de ne pas avoir payé ses impôts. Un coffre, qui contient son Nobel de la paix et sa Légion d’honneur, a notamment été saisi pour obtenir 410 000 $ d’arriérés d’impôts, assure-t-elle, malgré le démenti des autorités.

Après un tollé internatio­nal, Shirin Ebadi finit par récupérer son Nobel.

MAUVAISE MÉDAILLE

Le nom des lauréats est gravé au revers de la médaille, sauf dans les catégories « paix » et « sciences économique­s », où il figure sur la tranche.

Facile de s’emmêler les pinceaux : colauréats du Nobel d’économie en 1975, le Russe Leonid Kantorovit­ch et l’Américain Tjalling Koopmans retournent ainsi dans leur pays avec les « mauvaises » médailles, relate le site officiel www.nobelprize.org.

Parce qu’on est en pleine guerre froide, il faudra quatre ans d’efforts diplomatiq­ues pour que celles-ci retrouvent le bon propriétai­re.

Panique en ce soir de décembre 1999 dans la suite du Grand Hotel à Oslo ! La médaille Nobel, tout juste remise à Médecins sans frontières (MSF), s’est évaporée.

Toutes les recherches restent vaines, mais on renâcle à appeler la police.

Le lendemain, elle retrouve son écrin. Des membres de la délégation française de MSF l’auraient empruntée pour impression­ner les Norvégienn­es dans les bars.

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PHOTOS AFP Le codécouvre­ur de la structure de l’ADN James Watson a vendu sa médaille aux enchères. Les autorités iraniennes ont confisqué le prix de l’avocate et défenseur des droits de l’Homme, Shirin Ebadi, accusée de ne pas avoir payé ses impôts.
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RABINDRANA­TH TAGORE Nobel de littératur­e

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