La chasse à l’orignal
On imagine facilement la fébrilité qui habite les quatre chefs en ce jour de l’élection.
Mais cette fébrilité est sans doute plus intense chez les chasseurs d’orignal en cette période de l’année. À travers le Québec, les amateurs de cette chasse mythique sont moins nombreux qu’avant, mais tout aussi conscients du fait qu’ils s’adonnent à une activité qui les enracine dans une tradition ancestrale.
Les chasseurs posent très souvent leurs pas dans ceux de leurs ancêtres, pour qui cette chasse ultime était avant tout une nécessité. Les Québécois pauvres et repliés sur leurs terres éloignées, qu’ils partageaient avec l’orignal, chassaient pour se nourrir.
Contrairement au chevreuil ou même au caribou, l’orignal est une bête fascinante, obsédante, éblouissante. Par sa taille d’abord. C’est le plus imposant mammifère d’Amérique du Nord. Son panache est plus spectaculaire que toutes les couronnes royales.
IMAGINAIRE COLLECTIF
L’orignal habite l’imaginaire canadien-français. Notre poète national Gaston Miron l’a chanté, le cinéaste Pierre Perrault l’a décrit dans son film La Bête lumineuse et Ricardo Trogi dans Québec-Montréal aborde à travers la chasse à l’orignal le déclin de la masculinité québécoise.
Chasser l’orignal donne aux passionnés qui s’y adonnent le sentiment violent de se colletailler avec plus fort qu’eux. D’exprimer une virilité qui fait mauvais genre de nos jours.
Dans les régions comme l’Abitibi ou le Bas-Saint-Laurent, cette période en est aussi une où les fils se retrouvent avec leur père. Un rite où l’expérience des vieux se transmet aux jeunes. C’est ainsi un moment réel et symbolique de la relation père-fils.
La chasse à l’orignal demeure aussi en rappel de notre héritage historique lorsque nos ancêtres vivaient dans l’intimité avec l’immense nature, cette vastitude dominée par une bête éblouissante, impressionnante et encore présente – mais pour combien de temps ? – dans notre imaginaire collectif.