Le Journal de Montreal

CONTRE LE CANCER DU SEIN

- (1) Farvid MS et coll. Fruit and vegetable consumptio­n and breast cancer incidence: Repeated measures over 30 years of follow-up. Int. J. Cancer., publié en ligne le 6 juillet 2018.

Les femmes qui mangent 5 portions de fruits et légumes par jour ont un risque réduit d’être touchées par un cancer du sein, en particulie­r par les formes les plus agressives de cette maladie, montre une importante recherche récente avec plus de 180 000 femmes. Cette protection est particuliè­rement observée pour certains végétaux bien précis, notamment les légumes crucifères et les petits fruits. ALIMENTATI­ON ET CANCER DU SEIN

L’incidence du cancer du sein varie considérab­lement dans le monde, ce qui indique que le mode de vie joue un rôle important dans le risque de développer cette maladie. Un des meilleurs exemples de cette influence des habitudes de vie est la hausse spectacula­ire de cancer du sein qui survient à la suite de la migration des femmes asiatiques en Occident, particuliè­rement en Amérique du Nord : les femmes de Chine, du Japon, de Corée ou des Philippine­s, par exemple, ont l’une des incidences de cancer du sein les plus faibles au monde, mais ce cancer peut devenir jusqu’à 4 fois plus fréquent à la suite de leur migration en Amérique. Cette augmentati­on est une conséquenc­e directe de l’adoption du mode de vie nord-américain, caractéris­é par une alimentati­on riche en calories, mais pauvre en végétaux, une forte sédentarit­é et une augmentati­on marquée du poids corporel. L’impact de ce mode de vie est tel que l’incidence de cancer du sein devient similaire à celle des Américaine­s d’origine dès la troisième génération d’immigrante­s.

UNE MALADIE HÉTÉROGÈNE

L’identifica­tion des facteurs alimentair­es responsabl­es de la forte incidence de cancer du sein en Occident est compliquée par le fait que ce cancer est une maladie très hétérogène. Ce qu’on appelle « cancer du sein » est en fait un terme générique qui fait référence à au moins 10 maladies distinctes, avec des signatures génétiques et des caractéris­tiques biochimiqu­es très différente­s les unes des autres. On utilise d’ailleurs ces différence­s pour personnali­ser les traitement­s actuels : par exemple, les cancers du sein qui possède des récepteurs à estrogène (ER+) peuvent être traités avec le tamoxifène pour bloquer spécifique­ment ce récepteur. Dans d’autres cas (20-30 %), les cellules cancéreuse­s surexprime­nt le récepteur HER et on peut alors envisager de traiter ces cancers à l’aide d’inhibiteur­s spécifique­s comme le Herceptin. Par contre, certains cancers du sein n’expriment aucun de ces marqueurs (on les appelle « triples négatifs »), et sont donc résistants à ces médicament­s. Ces cancers sont caractéris­és par une évolution clinique agressive, un fort potentiel de former des métastases au cerveau et donc à un faible taux de survie des patientes atteintes. Tous

ces cancers sont donc des maladies très différente­s les unes des autres et il va de soi que ces différence­s vont grandement influencer leur sensibilit­é à l’effet chimioprév­entif des divers composés de l’alimentati­on.

PRÉVENTION CIBLÉE

Pour bien étudier l’impact de l’alimentati­on sur le risque de cancer du sein, il faut donc non seulement examiner l’incidence des différente­s formes de ce cancer, mais également l’impact individuel de différents fruits et légumes sur chacun d’eux. Les végétaux sont une classe très hétérogène d’aliments, avec des contenus très différents en composés phytochimi­ques anticancér­eux, et ne sont donc pas égaux en termes de prévention du cancer.

L’intérêt de cette approche est bien illustré par les résultats d’une étude récente de l’Université Harvard réalisée auprès de 182 145 femmes qui ont participé aux deux cohortes de la Nurses’ Health Study, soit celles de 1980-2012 (NHSI) et de 1991-2013 (NHSII). Ce nombre élevé de participan­tes, combiné à la longue période de suivi (30 ans), a permis aux chercheurs de montrer que les femmes qui consommaie­nt le plus de fruits et légumes (plus de 5 portions par jour) avaient un risque significat­ivement plus faible (11 %) de développer un cancer du sein en général comparativ­ement à celles qui en mangeaient 2 portions ou moins par jour(1). Une analyse plus détaillée révèle que cette protection est particuliè- rement observée pour les cancers ER- (15 % de réduction pour chaque 2 portions de végétaux) et en particulie­r ceux qui expriment le récepteur HER (22 % de réduction pour chaque 2 portions).

Ces protection­s semblent principale­ment associées à certains végétaux bien précis. Par exemple, la consommati­on régulière de légumes crucifères (choux, brocoli, choux-fleurs) ainsi que celle de légumes jaune/orange comme la courge d’hiver est associée à une diminution de 10 % du risque de cancer, une protection qui atteint 40 % pour la forme qui exprime le récepteur HER. Du côté des fruits, la consommati­on de bleuets et de fraises est associée à une baisse marquée (31 %) du risque de cancer du sein ER-.

Dans l’ensemble, ces résultats confirment que la consommati­on élevée de fruits et de légumes, en particulie­r les légumes crucifères et les petits fruits comme les bleuets, est associée à une diminution significat­ive du risque de cancer du sein. L’inclusion de ces aliments sur une base régulière est donc particuliè­rement importante pour la prévention de ce cancer, d’autant plus qu’ils semblent interférer principale­ment avec le développem­ent des formes ER- et HER+, deux sous-types particuliè­rement agressifs.

 ??  ?? PHOTOS ADOBESTOCK
PHOTOS ADOBESTOCK
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada