Faire l’histoire, ça oblige
François Legault a finalement remporté son pari. Et quel pari !
Fonder un parti, déloger le Parti québécois, formation de l’alternance naturelle depuis les années 1970. Et désactiver le clivage fondamental (souverainiste-fédéraliste) établi depuis la Révolution tranquille.
C’est le type d’exploit que peu de chefs politiques ont réussi à réaliser dans notre histoire. Maurice Duplessis, René Lévesque… qui d’autre ?
On entrevoyait une victoire difficile, courte, minoritaire. J’avais personnellement parié sur un scénario du type Nouveau-Brunswick ou Colombie-Britannique.
Mais le train du changement, image utilisée par François Legault le premier jour de la campagne à CapRouge, a finalement tout balayé sur son passage.
HISTORIQUE
Tellement que la soirée d’hier s’est avérée historique à plusieurs titres.
La défaite du Parti libéral du Québec est sans précédent : pire résultat en termes de pourcentage de vote. Sur le plan des sièges, pire défaite depuis 1976. Philippe Couillard est le premier premier ministre libéral élu depuis Adélard Godbout à devoir se contenter d’un seul mandat.
Quant au Parti québécois, c’est l’effondrement. On rappellera qu’il a obtenu 6 sièges en 1973, moins qu’hier donc. Mais à l’époque, il avait recueilli 30 % des voix ! Hier soir, au moment d’écrire ces lignes, il peinait à en conserver 17 %. Trop peu pour être un parti reconnu à l’Assemblée nationale.
QS non plus, malgré ses progrès en termes de voix et de sièges. Si on pouvait comprendre la joie partisane de QS hier, il y avait de quoi se questionner sur les discours aux accents triomphateurs de ses porte-parole. La gauche et la souveraineté ont globalement subi la défaite hier.
COMMANDE HERCULÉENNE
L’exploit de la CAQ est exceptionnel. Il pourrait s’agir d’un réel réalignement politique comme il s’en produit très peu dans l’histoire.
Pour réussir, la CAQ n’a pas lésiné sur les promesses : maternelles 4 ans, maisons des aînés, troisième lien à Québec, abolition des élections scolaires et commissions scolaires, déménagement de 5000 fonctionnaires de la capitale vers les régions, modification du mode de scrutin, repénalisation de la marijuana par la porte d’en arrière, etc.
Ses promesses en immigration, que le chef n’était même pas en mesure d’articuler lors de la campagne, seront aussi très ardues à mettre en place. La CAQ devra trouver une manière de remplir cette promesse de manière rassurante pour l’opinion internationale. Mais le parti de François Legault n’a jamais montré quelque sensibilité à cet égard.
Bref, la commande est titanesque. Comment fera la CAQ, avec un caucus inexpérimenté, diversifié, voire éclectique, à respecter ses promesses ?
Chose certaine, faire l’histoire, ça oblige.