Le Journal de Montreal

Lafrenière quitte le jour de l’élection

Le patron de l’UPAC avait été mis à mal par le DPCP vendredi dernier dans l’affaire Guy Ouellette

- JEAN-LOUIS FORTIN, HUGO JONCAS ET FÉLIX SÉGUIN

Mis à mal par le Directeur des poursuites criminelle­s et pénales (DPCP) vendredi dernier, menacé par la perspectiv­e d’un changement de gouverneme­nt, le patron de l’Unité permanente anticorrup­tion (UPAC) Robert Lafrenière a pris tout le monde par surprise hier en démissionn­ant le jour de l’élection générale.

Ce n’est pas la première fois que M. Lafrenière fait des vagues lors de journées importante­s en politique provincial­e. En mars 2016, il s’était attiré des critiques pour avoir annoncé l’arrestatio­n de l’exvice-première ministre Nathalie Normandeau au moment de la présentati­on du budget du gouverneme­nt Couillard.

Selon les informatio­ns obtenues par notre Bureau d’enquête, vendredi dernier a été une journée charnière pour le commissair­e à la lutte contre la corruption.

Le Directeur des poursuites criminelle­s et pénales (DPCP) a annoncé que les mandats de perquisiti­on exécutés l’automne dernier contre le député Guy Ouellette n’étaient pas valides.

Pour le patron de l’UPAC, il s’agissait d’une véritable gifle, insistent nos sources. Ces dernières expliquent que M. Lafrenière s’était fait un devoir « personnel » de mener à bien l’enquête sur des fuites d’informatio­ns de son organisati­on dans les médias. Guy Ouellette avait été arrêté, mais jamais accusé, dans le cadre de cette enquête qui a abouti en queue de poisson vendredi.

« Je souhaite ardemment qu’on arrive à une conclusion et qu’on trouve le bandit qui aurait fait ça », avait martelé le patron de l’UPAC en mai 2017 à l’Assemblée nationale.

Messieurs Ouellette et Lafrenière étaient en froid depuis longtemps, selon nos informatio­ns.

NOUVEAU GOUVERNEME­NT

Robert Lafrenière risquait également de voir sa légitimité remise en question à la suite du scrutin d’hier soir.

Le futur premier ministre François Legault n’a jamais publiqueme­nt désavoué M. Lafrenière. Mais le 2 septembre dernier, il a affirmé que son poste serait réévalué, tout comme ceux des directeurs de la SQ et de la police de Montréal, si son parti était porté au pouvoir.

Au cours des derniers mois, la CAQ, tout comme le Parti québécois et Québec solidaire, ont affirmé qu’ils souhaitaie­nt que la nomination du commissair­e à la lutte contre la corruption soit le résultat d’un vote aux deux tiers de l’Assemblée nationale.

Actuelleme­nt, ce poste est pourvu à la suite d’une nomination du gouverneme­nt.

« DIFFICILE DE COMPRENDRE »

L’avocat criminalis­te Jean-Claude Hébert voit dans le changement de gouverneme­nt une des raisons qui expliquent cette sortie fracassant­e.

« Est-ce que M. Lafrenière voulait symbolique­ment marquer le pas et dire : voyezvous, moi je suis un homme d’honneur, de décisions… à partir du moment où je m’aperçois que je n’aurai plus l’appui que je devrais avoir, je tire ma révérence ? » s’interroge-t-il.

« M. Lafrenière n’est quand même pas un imbécile. Ça fait longtemps qu’il doit examiner ces scénarios-là », ajoute Me Hébert.

La juge à la retraite Suzanne Coupal, pour sa part, s’explique mal pourquoi le patron de l’UPAC a annoncé sa démission le jour même des élections.

« C’est une journée où on essaie de ne pas politiser le débat. C’est difficile de comprendre pourquoi il n’a pas attendu demain (aujourd’hui) », dit-elle.

Au cours des derniers mois, les problèmes de relations de travail au sein de l’organisati­on que dirigeait M. Lafrenière ont également fait la manchette.

En janvier dernier, le ministre de la Sécurité publique Martin Coiteux a affirmé que la situation s’était améliorée, mais qu’il restait « du travail à faire ».

Invité à commenter le moment choisi par M. Lafrenière pour annoncer son départ, le premier ministre Philippe Couillard a été peu loquace hier.

« Je vous laisse le soin d’analyser cette question », a-t-il répondu au journalist­e qui l’interrogea­it.

Robert Lafrenière quittera officielle­ment son poste le 2 novembre. Il n’a pas accordé d’entrevue, hier, pour expliquer sa décision.

En poste depuis sept ans et demi, il aura été le premier et à ce jour le seul grand patron de la courte histoire de l’UPAC.

 ?? PHOTO D’ARCHIVES, PIERRE-PAUL POULIN ?? Le patron de l’UPAC Robert Lafrenière avait participé à une conférence de presse en lien avec l’affaire du député de Chomedey Guy Ouellette à la fin du mois d’octobre 2017.
PHOTO D’ARCHIVES, PIERRE-PAUL POULIN Le patron de l’UPAC Robert Lafrenière avait participé à une conférence de presse en lien avec l’affaire du député de Chomedey Guy Ouellette à la fin du mois d’octobre 2017.

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