Le Journal de Montreal

Le réaligneme­nt

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com

En science politique, il y a un terme pour désigner le grand bouleverse­ment qu’a connu le Québec lundi soir : on appelle cela une élection de réaligneme­nt.

C’est-à-dire que les grands partis qui structurai­ent la vie politique changent, au moment même où les lignes de fracture idéologiqu­es qui divisaient la société se transforme­nt.

SOUVERAINE­TÉ ?

Disons cela concrèteme­nt : depuis le début des années 1970, le PQ et le PLQ s’affrontaie­nt autour de la question de la souveraine­té. Le Québec devait-il devenir un État souverain, oui ou non ? Chaque élection avait de près ou de loin une dimension référendai­re. Ceux qui voulaient redéfinir le débat public en laissant au second plan la question nationale ou en la relativisa­nt étaient refoulés dans ses marges.

Il n’en sera plus ainsi. C’est même l’inverse qui s’imposera.

Pour les années à venir, ceux qui voudront placer la question de l’indépendan­ce au coeur de notre vie politique seront cantonnés dans les marges. Comme je dis avec tristesse, les souveraini­stes ont une excellente réponse à une question que les Québécois ne se posent plus. Le Parti québécois savait rassembler la gauche et la droite autour de l’indépendan­ce. Mais une fois que celle-ci n’est plus à l’horizon historique, devra-t-il se contenter d’une base électorale composée de ceux qu’on appelle les souveraini­stes purs et durs ?

Les indépendan­tistes auront d’immenses efforts à faire pour rappeler aux électeurs que leur option est pertinente et nécessaire.

Certes, on dit que Québec solidaire est souveraini­ste, mais ce parti ne place pas la question nationale au coeur de son engagement, et quand il en parle, c’est pour faire de l’indépendan­ce l’instrument d’un projet de société se définissan­t exclusivem­ent dans les termes de la gauche radicale.

La CAQ, dans ce contexte, se réclame du nationalis­me. Elle l’est, sur le mode du nationalis­me tranquille, qui s’est résigné au cadre canadien, à défaut de l’aimer. Surtout, la CAQ a décidé d’assumer les inquiétude­s identitair­es des Québécois en proposant de rompre avec la logique du toujours plus en matière d’immigratio­n. C’est à mettre à son crédit. Quiconque ne s’inquiète pas de la régression démographi­que de la majorité historique francophon­e vit dans les nuages ou s’enferme dans le déni de réalité.

Par ailleurs, quand François Legault voudra appliquer sa politique de laïcité, désirée par son électorat, il découvrira que le Canada demeure une structure de pouvoir très contraigna­nte empêchant le Québec de faire ses propres choix.

PLQ

Le PLQ, dans le présent contexte, devra se réinventer. L’agitation de la menace référendai­re, pour l’écrire à la manière des larbins du régime canadien, ne fonctionne­ra plus pour un temps. Et la CAQ occupera l’espace du centre droit.

Le PLQ voudra-t-il se reposition­ner au centre gauche, en conjuguant un libéralism­e modéré avec un multicultu­ralisme dogmatique conforme à l’idéologie officielle canadienne ? Tel semble être en tout cas le positionne­ment de plusieurs de ses députés et de sa base électorale anglophone et allophone, à laquelle il vient de se faire réduire.

Quoi qu’il en soit, les vieilles catégories politiques semblent mortes. Reste à comprendre les nouvelles.

Que deviendron­t les grands partis ?

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