Le jour où la CAQ a eu peur
Au fil d’arrivée, les caquistes d’hier et d’aujourd’hui ont sabré le champagne en célébrant une victoire plus éclatante que ce à quoi ils avaient rêvé. Mais au cours d’une campagne en montagnes russes, plusieurs ont cru que leur idéal se transformait en cauchemar et qu’ils retourneraient sur les banquettes de l’opposition !
Avant de partir pour les vacances, le 11 juin, un sondage Léger de plus de 3200 répondants donnait une confortable avance de neuf points à la CAQ sur le PLQ. À micros fermés, employés et élus ne cachaient plus leur confiance débordante. Ils étaient convaincus que les jeux étaient faits : la vague de changement renverserait les libéraux accrochés au pouvoir depuis presque 15 ans.
Mais au moment de lancer la campagne, cette avance s’était rétrécie. Puis, il y a eu des écueils, notamment la démission du président Stéphane Le Bouyonnec et la controverse entourant le prêt contracté par Éric Caire. L’avance a encore fondu.
« On se dit, quand est-ce que ça va arrêter ? Honnêtement, je me suis mis à me dire que Jean-François Lisée avait pris le contrôle de la campagne. De plus en plus de monde le disait, ça renforçait l’impression que c’était ça et ça avait l’effet inverse sur François Legault », avoue un élu de la CAQ.
Lorsque le chef a trébuché en tentant d’expliquer laborieusement le mécanisme d’expulsion des immigrants ayant échoué aux tests de valeurs et de français, la panique s’est installée.
PRESQUE MORTEL
« Ça a failli nous tuer », lance sans détour un autre membre de la députation.
« Ça descendait dans les sondages, raconte-t-il. À un moment donné, les visages sont longs. J’ai appelé le bureau pour leur dire : est-ce qu’on perd la majorité, là ? Et ils m’ont dit : non, on ne forme plus le gouvernement. »
La stratégie de la CAQ était pourtant d’évacuer la question rapidement en début de campagne.
« Il y a eu une erreur. On s’est dit OK, Couillard veut en faire la question de l’urne, bien, on va y aller là-dessus, les Québécois appuient notre position. Mais en essayant de l’expliquer, c’est devenu tough », poursuit la source. Malgré un meilleur débat du chef à TVA, l’inquiétude n’était pas dissipée dans les rangs.
JUSQU’AU DERNIER JOUR
Même durant le dernier week-end, « les aiguilles ne bougeaient pas beaucoup », confie-t-on.
« C’est terrible, les émotions que nous avons vécues. À un moment donné, on passe des coups de fil à l’organisation, mais il ne faut pas ajouter au stress », résume un député.
Un autre élu soutient qu’il a accueilli les hauts et les bas avec philosophie. « Oui, il y a eu des journées difficiles, j’ai été impressionné par la pression. Mais, souvent, après une mauvaise journée pour nous, il y avait une mauvaise journée pour un autre parti. »
De leur propre aveu, au terme de cette campagne pleine de doute, les députés n’avaient pas senti l’ampleur de la vague qui s’apprêtait à déferler.
Ils avaient à peine commencé à se pointer au rassemblement du parti à Québec, lorsque TVA a annoncé qu’ils formeraient le gouvernement. Comme un marié en retard à ses noces ! Avant l’euphorie, il y a eu un surréel instant d’incrédulité. Oui, les caquistes ont vraiment cru qu’ils l’avaient échappé...