Son parcours jusqu’au pouvoir
Retour sur le parcours professionnel du nouveau premier ministre François Legault
QUÉBEC | Sept ans après le lancement de la CAQ, François Legault a finalement réalisé lundi dernier son rêve de devenir premier ministre. Un survol de son parcours professionnel permet de dégager les principales motivations de ce comptable de formation, qui martèle depuis des années l’importance de l’éducation et de stimuler la création de richesses au Québec. AIR TRANSAT
Issu d’une famille modeste de Sainte-Anne-de-Bellevue, c’est avec un prêt de 50 000 $ de la Caisse populaire Saint-Henri, que François Legault achète en 1986, à seulement 29 ans, sa participation dans ce qui deviendra Air Transat. Il en deviendra le président-directeur général et quittera 10 ans plus tard l’entreprise en devenant multimillionnaire. « C’est ainsi qu’à 39 ans, je viens d’acquérir l’indépendance financière dont j’avais rêvé », écrit-il dans son livre Cap sur un Québec gagnant. Mais les raisons de son départ et la brouille avec son associé Jean-Marc Eustache n’ont jamais été éclaircies. Tout au plus, François Legault écrit qu’il était, avec l’actuel PDG de Transat « en désaccord sur la stratégie de développement en France ».
RECRUTÉ PAR LUCIEN BOUCHARD
Ironiquement, c’est l’ex-chef péquiste Jean-François Lisée – son adversaire dans la récente campagne électorale – qui a attiré François Legault en politique. Alors conseiller du premier ministre Lucien Bouchard, il a présenté les deux hommes, qui se sont liés d’amitié. Souverainiste depuis son enfance passée dans l’Ouest-de-l’Île, il accepte en 1998 un poste de ministre de l’Industrie et du Commerce avant même d’être élu député. François Legault affirme que, déjà à l’époque, son saut en politique était motivé par la volonté de rendre les services publics plus efficaces et de stimuler l’investissement privé. Il sera finalement élu dans Rousseau deux mois plus tard.
BUDGET DE L’AN 1
En 2005, alors dans l’opposition sous Bernard Landry, François Legault dépose le document Finances d’un Québec souverain, qui établit que l’indépendance dégagerait un surplus de cinq milliards $ annuellement après cinq ans, en éliminant les chevauchements de paliers provincial et fédéral. Mais depuis, la situation économique du Québec a bien changé et la province reçoit plus de transferts fédéraux et de péréquation que ce qu’elle paie, a souligné François Legault en 2014.
SES MINISTÈRES
Après un court passage à l’Industrie et au Commerce, Lucien Bouchard confie à son jeune ministre l’important portefeuille de l’Éducation. Son passage à ce ministère, comme à la Santé par la suite, sera marqué par une gestion axée sur la performance. À l’Éducation, il fait signer aux universités des contrats de performance qui impliquent une révision des modes de gestion et de la formation en contrepartie d’un réinvestissement. À la Santé, il a instauré un « bulletin des hôpitaux » pour rendre compte publiquement de la satisfaction des usagers. Le but avoué est de fouetter les gestionnaires du réseau.
IL DÉMISSIONNE
Après avoir été parmi les plus pressés des indépendantistes, François Legault fait un constat brutal qui l’amène à démissionner à titre de député péquiste de Rousseau en juin 2009. Lors d’un point de presse à l’Assemblée nationale, il explique être « inquiet parce que je sens que le Québec s’est engagé dans un déclin tranquille, et cela, malheureusement, trop souvent dans la résignation et l’indifférence ». François Legault constate que l’impasse de la question nationale bloque l’horizon politique du Québec. « Tout projet politique ambitieux, quel qu’il soit, peu importent les partis, est difficile à réaliser actuellement », constate-t-il.
DÉSISTEMENT DE LA CHEFFERIE DU PQ
La même année (2005), il songe à succéder à Bernard Landry dans la course à la chefferie du Parti québécois qui mènera finalement à l’élection d’André Boisclair. Il y renonce pour être plus près de ses deux garçons, adolescents à l’époque. « La pression qu’on met sur la famille s’accumule. J’ai déjà trop étiré l’élastique », avait-il expliqué.
FONDATION DE LA CAQ
En 2011, François Legault est de retour dans l’arène politique avec la fondation de la Coalition pour l’avenir du Québec, comme il l’appelle à l’époque, qu’il crée en compagnie de l’homme d’affaires Charles Sirois. D’abord un mouvement créé sous le statut d’OBNL, la CAQ publie un texte fondateur qui explique encore aujourd’hui les principales motivations du nouveau premier ministre. Les signataires disent vouloir « redonner au Québec l’élan qu’il a perdu ». L’éducation doit être « la priorité absolue », écrivent-ils également. En devenant un parti, la CAQ propose de mettre de côté la question nationale pendant 10 ans, le temps de relancer l’économie.
JAMAIS DEUX SANS TROIS
François Legault aura mis sept ans pour devenir premier ministre. Pour y parvenir, son nouveau parti a d’abord avalé l’ADQ en 2012. Le nouveau parti est une véritable coalition, avec des conservateurs comme Gérard Deltell et d’ex-souverainistes comme Benoît Charette. Après deux élections où la CAQ progresse sans pouvoir quitter le statut de deuxième opposition, le parti opte pour un virage nationaliste à l’automne 2015. C’est à ce moment que François Legault tourne le dos pour de bon à la souveraineté, promettant plutôt d’obtenir des gains face à Ottawa tout en restant dans le Canada. « C’est comme si le pape devenait musulman sans s’expliquer », avait alors déclaré, choqué, l’ex-premier ministre Bernard Landry.
MONSIEUR LE PREMIER MINISTRE
Au fil des ans, François Legault s’est remis en question. Au printemps 2015, il confiait avoir songé à partir après s’être demandé : « Est-ce que quelqu’un va être meilleur que moi pour vendre cet excellent programme de la CAQ ? » Mais le vent a tourné et la CAQ a connu une remontée soutenue dans les sondages à compter de mai 2017. Après avoir fait valoir que les libéraux étaient au pouvoir depuis 15 ans, son équipe a tablé sur l’idée du changement. « SVP, donnez-moi ma chance. Nous avons essayé les libéraux pour les 15 dernières années et regardez le résultat », a déclaré François Legault à quelques jours de l’élection de lundi dernier, qui l’a finalement porté au pouvoir.