Le Journal de Montreal

DE PLUS EN PLUS DE FEMMES ABANDONNEN­T LA PILULE

BUREAU D'ENQUÊTE

- Marie-Christine Noël

Les effets secondaire­s de la pilule contracept­ive contribuen­t à la chute de sa popularité au Québec. De plus en plus de femmes choisissen­t un autre moyen de contracept­ion ou ne renouvelle­nt pas leur prescripti­on, révèlent des données inédites de la Régie de l’assurance maladie du Québec.

Ce sont 168 838 femmes de tous les âges qui ont demandé une nouvelle ordonnance de pilule contracept­ive en 2015. Deux ans plus tard, on en dénombrait 155 419 à faire la même démarche, selon les données obtenues par notre Bureau d’enquête. C’est une baisse de 8 % en trois ans. Une chute de popularité similaire s’observe également pour le renouvelle­ment d’ordonnance. En 2015, 859 430 femmes avaient demandé à nouveau leur pilule, contre 796 650 en 2017.

Si la pilule fonctionne à merveille pour la plupart, une trentaine de témoignage­s obtenus par notre Bureau d’enquête pré- sentent un côté moins idyllique de ce moyen de contracept­ion et pourrait expliquer en partie cette baisse de popularité.

Menstruati­ons abondantes, migraines, engourdiss­ement du visage, montée de lait, fatigue, dépression : plusieurs femmes nous ont confié avoir été soulagées en constatant qu’elles n’étaient pas les seules à subir les effets indésirabl­es de la pilule.

Certaines croyaient que les migraines à répétition ou la baisse de libido étaient normales. D’autres nous ont même témoigné avoir frôlé la mort.

CONSULTATI­ON ÉCLAIR

« Le problème, c’est que très souvent, les médecins ne les écoutent pas. Ils répondent que c’est dans leur tête. Mais c’est faux. Si une femme dit qu’elle ne va pas bien, c’est vrai », souligne le médecin, conférenci­er et éthicien Marc Zaffran, qui a entendu maintes fois ce genre d’histoires durant ses années de pratique.

Plusieurs montrent du doigt les consultati­ons éclair entre un médecin et une jeune patiente, à qui l’on peut prescrire une pilule pour plusieurs années.

« Ça devient un automatism­e de prescrire ce moyen de contracept­ion », souligne Florence Valiquette-Savoie, une sexologue auprès des jeunes qui est active sur le web.

« Les jeunes sont portées à choisir la pilule parce que c’est plus simple que l’installati­on d’un stérilet », observe le Dr Charles Bernard, président du Collège des médecins du Québec. Il assure toutefois sensibilis­er ses médecins.

« Je suis le premier à le dire : il faut prendre le temps de répondre à toutes les questions et être à l’écoute des patientes. […] Mais c’est vrai qu’à un moment donné, certains [médecins] ont perdu ça parce qu’il faut être productif. »

Selon Charles Bernard, le Collège n’a reçu aucune plainte reliée à la prescripti­on de la pilule.

CHÈRE, LA PILULE

Selon les experts questionné­s, la baisse de popularité de la pilule s’expliquera­it aussi par le coût élevé du produit, l’accès difficile à un médecin, le désir d’avoir un enfant et les effets indésirabl­es.

Nous n’avons cependant pas eu accès aux données des femmes couvertes par une assurance privée, malgré nos demandes auprès d’IQVIA, l’organisme qui compile ce genre de statistiqu­es.

Le nombre d’abandons de la pilule devrait s’accentuer avec les années.

En mai, la Société canadienne de pédiatrie (SCP) a recommandé aux médecins de suggérer le stérilet avant tout autre moyen de contracept­ion.

« Oui parfois c’est plus facile [pour un médecin] de dire : “Tu veux la pilule ? OK, parfait, voilà la prescripti­on” », reconnaît la docteure Giuseppina Di Meglio, membre du comité de la santé de l’adolescent de la SCP.

MÊME CONSTAT EN FRANCE

« On encourage plutôt le médecin à poser des questions. Pourquoi veux-tu la pilule ? Pourquoi as-tu fait ce choix parmi tous les autres choix ? Et de se rappeler que l’efficacité du stérilet est beaucoup plus élevée que la pilule. »

Le constat est semblable en France où l’intérêt pour la pilule décline depuis quelques années, à la suite du débat sur les risques liés aux pilules de 3e et 4e génération. Le stérilet, l’implant et le préservati­f sont encouragés comme solution de rechange.

« La majorité des utilisatri­ces de pilules vont très bien et n’ont pas de problèmes de santé », nuance toutefois le docteur Zaffran, ajoutant que les décès liés à la pilule sont moins fréquents que ceux liés à des accoucheme­nts.

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CHARLES BERNARD Président du Collège des médecins

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