Le Journal de Montreal

Le PLQ doit rompre avec le couillardi­sme

- c antoine.robitaille @quebecorme­dia.com « IL LAISSE LA MAISON EN ORDRE, LES FINANCES PUBLIQUES EN ORDRE, IL N’Y AURA PAS DE SURPRISE. » – François Legault, premier ministre désigné, à propos de Philippe Couillard @Ant_Robitaille ANTOINE ROBITAILLE

Bien sûr, il faut rendre hommage à Philippe Couillard.

Homme de qualité, extrêmemen­t intelligen­t, cultivé, il est beaucoup moins « froid » que ce que les langues sales aiment à faire croire.

Ces qualités humaines faisaient que les habits de premier ministre faisaient très bien à M. Couillard.

Toutefois, pour renouer avec ce qu’il y a de mieux dans son histoire, le Parti libéral doit rapidement se distancer de ses idées.

MULTIPLES CAUSES

Celles-ci ne sont pas l’unique cause de la défaite historique qu’il a connue lundi.

Un parti qui reste au pouvoir 15 ans avec un seul intermède de 18 mois ne peut éviter l’accumulati­on de griefs.

Un gouverneme­nt qui fait des compressio­ns et qui, par la suite, joue sur les mots (rigueur et non-austérité !), en manquant de sensibilit­é quant aux effets de ses choix, mine sa réélection. Surtout si, à la dernière minute, il se met à dépenser comme un marin en cavale afin de se faire élire.

RAPPORT AUX FRANCOS

Reste que les idées de Philippe Couillard ont fait grand tort au PLQ. Une confidence de l’ex-ministre Hélène David l’a fait comprendre hier : « Ce n’est pas normal que des francophon­es nous désertent, il faut aller leur parler. »

Après cinq ans de couillardi­sme, le PLQ semble être réduit à promettre de créer un « secrétaria­t aux relations avec les Québécois d’expression… française ». Et ce n’est presque pas une blague !

Pourtant, dès avril 2016, une chroniqueu­se qu’on ne peut soupçonner d’accointanc­es nationalis­tes, Lysiane Gagnon, écrivait dans La Presse : « Comment un gouverneme­nt québécois peut-il s’éloigner à ce point de la majorité francophon­e ? »

Depuis, aucun progrès n’a été fait en ces matières. Au contraire !

CULPABILIS­ATION PERMANENTE

En réécoutant le discours de départ de Philippe Couillard, on comprend mieux. Aux yeux du chef démissionn­aire, le risque principal au Québec est une sorte de tyrannie de la majorité.

« La majorité n’a pas tous les droits, et ceux qu’elle exerce doivent être compensés par la protection de ceux des minorités. »

Or, si les francophon­es sont une majorité au Québec, ils sont fortement minoritair­es dans ce continent. C’est un fait.

Auquel le couillardi­sme – comme le trudeauism­e dont il n’est qu’une copie – répond : il faut d’abord et avant tout se méfier du fait qu’elle est une majorité. Et, surtout, ne jamais revendique­r pour les Québécois la protection due aux minorités. Car ce serait céder à une « mentalité d’assiégé », pour reprendre une expression chère à M. Couillard.

« On se demande pourquoi il a tant voulu devenir premier ministre », s’interrogea­it Lysiane Gagnon en 2016. Il est curieux en effet celui qui veut diriger un peuple dont il se méfie tant.

Dans son allocution finale, M. Couillard parle avec émotion de « nos libertés […] défendues jusqu’au sacrifice ultime ». À l’évidence, lui – père d’un militaire – évoque l’engagement de Canadiens français contre l’hydre nazie lors de la Seconde Guerre mondiale.

Il ne semble pas penser aux âpres combats des francophon­es partout dans ce Dominion – y compris au Québec – pour défendre leurs droits et leurs libertés collective­s, alors qu’ils étaient considérés comme des « conquis ».

Cela gâcherait une fable commode selon laquelle « Québécois, c’est notre façon d’être Canadien ». MM. Couillard et Fournier ont même fait de la formule une politique officielle déposée en juin 2017.

Comme le fait remarquer avec justesse Jean-François Simard (nouveau député caquiste de Montmorenc­y) dans un essai publié avant l’élection, « pendant longtemps, surtout à l’extérieur du Québec, être francophon­e n’était pas une manière d’être Canadien ».

Pour les Québécois francophon­es de toutes les origines, encore aujourd’hui, des risques existent. Notamment parce que l’État du Québec a toujours un statut politique incertain, ce que le couillardi­sme reconnaît distraitem­ent, mais n’a rien fait pour corriger.

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Après cinq ans de couillardi­sme, le PLQ semble être réduit à promettre de créer un « secrétaria­t aux relations avec les Québécois d’expression française ». Ce n’est presque pas une blague !
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