Le PLQ doit rompre avec le couillardisme
Bien sûr, il faut rendre hommage à Philippe Couillard.
Homme de qualité, extrêmement intelligent, cultivé, il est beaucoup moins « froid » que ce que les langues sales aiment à faire croire.
Ces qualités humaines faisaient que les habits de premier ministre faisaient très bien à M. Couillard.
Toutefois, pour renouer avec ce qu’il y a de mieux dans son histoire, le Parti libéral doit rapidement se distancer de ses idées.
MULTIPLES CAUSES
Celles-ci ne sont pas l’unique cause de la défaite historique qu’il a connue lundi.
Un parti qui reste au pouvoir 15 ans avec un seul intermède de 18 mois ne peut éviter l’accumulation de griefs.
Un gouvernement qui fait des compressions et qui, par la suite, joue sur les mots (rigueur et non-austérité !), en manquant de sensibilité quant aux effets de ses choix, mine sa réélection. Surtout si, à la dernière minute, il se met à dépenser comme un marin en cavale afin de se faire élire.
RAPPORT AUX FRANCOS
Reste que les idées de Philippe Couillard ont fait grand tort au PLQ. Une confidence de l’ex-ministre Hélène David l’a fait comprendre hier : « Ce n’est pas normal que des francophones nous désertent, il faut aller leur parler. »
Après cinq ans de couillardisme, le PLQ semble être réduit à promettre de créer un « secrétariat aux relations avec les Québécois d’expression… française ». Et ce n’est presque pas une blague !
Pourtant, dès avril 2016, une chroniqueuse qu’on ne peut soupçonner d’accointances nationalistes, Lysiane Gagnon, écrivait dans La Presse : « Comment un gouvernement québécois peut-il s’éloigner à ce point de la majorité francophone ? »
Depuis, aucun progrès n’a été fait en ces matières. Au contraire !
CULPABILISATION PERMANENTE
En réécoutant le discours de départ de Philippe Couillard, on comprend mieux. Aux yeux du chef démissionnaire, le risque principal au Québec est une sorte de tyrannie de la majorité.
« La majorité n’a pas tous les droits, et ceux qu’elle exerce doivent être compensés par la protection de ceux des minorités. »
Or, si les francophones sont une majorité au Québec, ils sont fortement minoritaires dans ce continent. C’est un fait.
Auquel le couillardisme – comme le trudeauisme dont il n’est qu’une copie – répond : il faut d’abord et avant tout se méfier du fait qu’elle est une majorité. Et, surtout, ne jamais revendiquer pour les Québécois la protection due aux minorités. Car ce serait céder à une « mentalité d’assiégé », pour reprendre une expression chère à M. Couillard.
« On se demande pourquoi il a tant voulu devenir premier ministre », s’interrogeait Lysiane Gagnon en 2016. Il est curieux en effet celui qui veut diriger un peuple dont il se méfie tant.
Dans son allocution finale, M. Couillard parle avec émotion de « nos libertés […] défendues jusqu’au sacrifice ultime ». À l’évidence, lui – père d’un militaire – évoque l’engagement de Canadiens français contre l’hydre nazie lors de la Seconde Guerre mondiale.
Il ne semble pas penser aux âpres combats des francophones partout dans ce Dominion – y compris au Québec – pour défendre leurs droits et leurs libertés collectives, alors qu’ils étaient considérés comme des « conquis ».
Cela gâcherait une fable commode selon laquelle « Québécois, c’est notre façon d’être Canadien ». MM. Couillard et Fournier ont même fait de la formule une politique officielle déposée en juin 2017.
Comme le fait remarquer avec justesse Jean-François Simard (nouveau député caquiste de Montmorency) dans un essai publié avant l’élection, « pendant longtemps, surtout à l’extérieur du Québec, être francophone n’était pas une manière d’être Canadien ».
Pour les Québécois francophones de toutes les origines, encore aujourd’hui, des risques existent. Notamment parce que l’État du Québec a toujours un statut politique incertain, ce que le couillardisme reconnaît distraitement, mais n’a rien fait pour corriger.