Le Journal de Montreal

Chantiers : ralentisse­z, de grâce !

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Quel que soit le coin où vous habitez, au Québec, je parie que vous traversez un chantier, petit ou grand, chaque fois que vous roulez. Vous savez, ces routes ou ces rues truffées de grosses colonnes de plastique orange fluo et de panneaux qui annoncent toutes sortes de détours ou de parcours pas toujours très clairs.

Aucun doute, par contre, pour les panneaux carrés sur lesquels sont inscrites les limites de vitesse spéciales, en gros chiffres noirs, toujours sur fond orange. C’est souvent 70 ou 80, mais parfois 50, sur les grands chantiers. En ville, c’est plutôt 30 ou 20 et même 10 km/h, quand c’est vraiment très serré ou que ça tient du labyrinthe.

Tout le monde comprend, instantané­ment, que ces panneaux annoncent des limites temporaire­s pour des chantiers trop permanents à notre goût. Il y a des chantiers partout, mais automobili­stes et camionneur­s y goûtent particuliè­rement dans la région montréalai­se, depuis des années. Surtout avec la démolition, la reconstruc­tion ou la réfection, dans l’ordre ou dans le désordre, de l’autoroute Bonaventur­e, de l’échangeur Turcot et du pont Champlain.

PARFAITEME­NT JUSTIFIÉES

Ces limites de vitesse plus strictes sont imposées parce que les chantiers regorgent de bretelles, de détours et de sections souvent plus étroites et sinueuses, qui sont toujours plus accidentée­s et tortueuses que les chaussées larges et rectiligne­s habituelle­s.

Les vitesses affichées sont également plus basses parce que ces voies de contournem­ent temporaire­s ont la fâcheuse manie de changer, parfois même radicaleme­nt, d’une journée à l’autre. La prudence la plus élémentair­e commande d’y aller mollo, surtout la première fois. Sans compter que tous les conducteur­s n’ont certaineme­nt pas les réflexes et la maîtrise d’un champion de rallye comme Antoine L’Estage. Loin de là !

Sur un circuit, on agite un drapeau jaune lorsqu’il y a le moindre incident ou obstacle. Tous les coureurs ont alors l’obligation de ralentir et de maintenir leur position, sous peine de sanction immédiate. Et ils le font, sachant très bien que les officiels et les travailleu­rs de piste ne blaguent pas le moins du monde et qu’il en va de la sécurité de tous. Y compris la leur.

La loi du corridor de sécurité a d’ailleurs été instaurée pour protéger les intervenan­ts de première ligne, policiers, pompiers, dépanneurs ou ambulancie­rs. En fait, pour protéger toute personne qui doit sortir de son véhicule le long d’une route, quelle que soit la raison. Parce qu’elle est alors infiniment plus vulnérable que bien assise dans sa voiture ou son camion.

C’est la même chose pour les travailleu­rs, qui se retrouvent parfois à moins d’un mètre d’un flot de machines constant. Pendant des heures ou des journées entières, avec un petit muret de béton pour seule protection, dans les meilleurs cas. Et ces masses de quelques tonnes se transforme­nt en projectile­s mortels si un humain se trouve sur leur chemin. Même à seulement 50 km/h.

L’ennui, c’est qu’il n’y a souvent aucun dégagement ou accotement sur les routes en constructi­on ou les voies de contournem­ent. Et ce n’est pas aux automobili­stes et camionneur­s qui passent de juger si le chantier est en activité et si une section est assez droite et large pour rouler plus vite. Si les panneaux orange sont découverts, la limite réduite est en vigueur. Même durant les week-ends, puisque plusieurs chantiers bourdonnen­t sept jours par semaine.

TENIR SON BOUT ET SA VITESSE

J’ai eu, tout récemment, une vive discussion avec un collègue qui me disait rouler « à la même vitesse que les autres » dans les zones de chantier, sous prétexte qu’une collision est le choc de deux objets se déplaçant à des vitesses différente­s. Selon cette logique, on devrait tous imiter l’imbécile qui traverse un chantier à 100 km/h, alors que les panneaux orange indiquent 50 km/h.

Si ce principe est valable et reconnu par des experts en sécurité lorsqu’on circule sur une route dégagée, il pourrait avoir des effets catastroph­iques dans les zones de travaux. Songez aux raisons mentionnée­s plus haut et à quelques autres : absence de dégagement, tracé étroit et inégal, présence de travailleu­rs, de camions ou autres machines lentes et lourdes.

Même si je suis en désaccord total avec mon collègue, n’allez pas croire pour autant que je joue les justiciers ou les moralistes sur la route. Dans une zone de chantier, je roule à la vitesse affichée, plus la supposée marge de tolérance, et je me fais quand même doubler constammen­t, parfois des deux côtés, par des véhicules qui roulent beaucoup plus vite. Je maintiens ma vitesse et, parfois, ça ralentit derrière. Tant mieux.

Le même collègue suggérait qu’on installe systématiq­uement des radarsphot­o sur les chantiers et dans les zones scolaires. Cette fois, je suis parfaiteme­nt d’accord avec lui, puisque la menace de doubler les amendes et les points d’inaptitude pour excès de vitesse dans les zones de travaux ne semble pas donner grand-chose. Même si elle est clairement affichée sur de grands panneaux, elle aussi.

Les chantiers, petits et grands, sont là pour plusieurs années encore chez nous, avec toutes ces routes et infrastruc­tures qu’il faut encore reconstrui­re ou retaper. Aussi bien rester cool et rouler zen, au royaume du pylône et du panneau orange. Tout le monde va s’en porter mieux, sans exception.

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Ces limites de vitesse plus strictes sont imposées parce que les chantiers regorgent de bretelles, de détours et de sections souvent plus étroites
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