« On est maudit, c’est pas possible »
Après un attentat, la commune de Trèbes dévastée par les crues
TRÈBES | (AFP) Les habitants de Trèbes, petite ville du sud de la France la plus touchée par les inondations et déjà meurtrie par un attentat islamiste en mars, découvraient hier l’ampleur des dégâts, ne sachant pas « par où commencer pour nettoyer » leurs maisons envahies de boue.
Empilement de voitures, amas de branches d’arbres que les employés de la ville tentaient de dégager à la tronçonneuse, gravats sur la route, cuve de fioul retournée et boue omniprésente : les habitants ont découvert, incrédules, une ville mise sens dessus dessous par le débordement de l’Aude.
Ces inondations dans la région de Carcassonne, les plus meurtrières depuis une dizaine d’années, ont fait au moins 13 morts – dont six à Trèbes – et trois disparus, selon le dernier bilan.
« On n’imaginait pas que ce serait à ce point », confie en pleurs Valérie Puerta, venue dès le lever du jour avec ses deux filles de 22 et 14 ans récupérer quelques affaires dans sa maison située dans une ruelle au bord du fleuve.
La veille, les pompiers avaient évacué la famille en barque par la fenêtre d’une chambre à l’étage.
« On prend des photos pour les assurances, c’est tout ce qu’on peut faire », explique l’habitante qui est parvenue à sauver uniquement « des papiers et quelques vêtements », sacs à la main.
ATTENTATS
Avec encore 10 cm de boue collante sur le sol, une cuisine neuve méconnaissable, Valérie, dont la maison a été envahie par l’eau qui est montée jusqu’à 1,50 mètre, se dit « démunie » et « traumatisée ».
« Je ne sais même pas, si j’arrive à la remettre en état, si j’aurais envie de revivre ici, j’ai eu tellement peur », poursuit la quadragénaire qui s’est remémoré toute la nuit les images de l’inondation et garde en tête « le bruit assourdissant » du torrent d’eau qui s’est engouffré jusque dans la montée de ses escaliers durant cette nuit « cauchemardesque ».
La mère de famille essaye néanmoins de « relativiser » après avoir appris qu’une habitante de Trèbes, ayant perdu son mari dans un attentat islamiste perpétré en mars dernier dans la région, a perdu ses parents dans les inondations.
« C’est horrible. La veuve a perdu ses deux parents. Tous les jours des infirmières venaient s’occuper d’eux. Ils habitaient près du fleuve à Trèbes », raconte Valérie Puerta.
Jean Mazières, viticulteur de 61 ans, avait été la première victime du djihadiste Radouane Lakdim. Le petit délinquant radicalisé l’avait abattu le 23 mars dans une voiture.
Les attentats commis à Trèbes et Carcassonne avaient coûté la vie à quatre personnes. Six personnes ont été placées hier en garde à vue dans cette enquête.
« Ça fait beaucoup pour une petite ville comme Trèbes, on est maudit, c’est pas possible », lance Nicole, les pieds dans la boue, en attendant l’aide de ses enfants pour évacuer ses meubles.