Le Journal de Montreal

Sophie Grégoire n’est pas Melania Trump

Lundi, dans ma chronique, je dénonçais le fait que Radio-Canada ait déroulé le tapis rouge à la femme du premier ministre en invitant Sophie Grégoire Trudeau à l’émission En direct de l’univers.

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

Certains lecteurs m’ont répondu : « Oui, mais c’était une bonne émission. » Youhou, les amis, ça change quoi ?

Il n’y a rien d’innocent à flatter dans le sens du poil, pendant une heure, la femme du politicien qui vous a promis 75 millions de nouveaux dollars la première année de son mandat, puis 150 millions supplément­aires par année jusqu’en 2021.

LES CHOIX DE SOPHIE

Dans La Presse, le chroniqueu­r télé Hugo Dumas écrivait hier qu’il ne voyait pas de scandale à ce que Sophie Grégoire soit invitée à En direct de l’univers. « Aux États-Unis, la pétillante Michelle Obama aurait été considérée pour une émission similaire, mais pas nécessaire­ment Melania Trump, plus froide et réservée », a-t-il écrit.

« C’est une question de casting et de personnali­té en ondes. Tout simplement. »

J’ai trois choses à répondre à mon collègue. Premièreme­nt, Mesdames Obama et Trump bénéficien­t d’un rôle officiel aux États-Unis, celui de First Lady, première dame. C’est une fonction qui vient avec des responsabi­lités, un bureau, du personnel, etc. Alors qu’au Canada, cette fonction n’existe pas, zéro pis une barre. Alors je repose ma question : quel aspect de la carrière de Mme Grégoire a justifié son invitation ? Prof de yoga, ex-chroniqueu­se culturelle ou ex-« personal shopper » chez Holt Renfrew ?

Deuxièmeme­nt, Radio-Canada est une société d’État, dont les crédits dépendent directemen­t du gouverneme­nt, d’où le potentiel de conflit d’intérêts quand tu reçois la femme du premier ministre.

Au pays de Trump, aucune station de télé ne dépend des mamelles de l’État, la comparaiso­n avec les États-Unis est tout simplement bidon.

Aux États-Unis, si Fox ou CNN décident de dérouler le tapis rouge à Melania, on s’en tape. Ce n’est pas Trump qui décide du budget de fonctionne­ment de ces compagnies, c’est quand même simple à comprendre ! Troisièmem­ent, si Sophie Grégoire a été invitée à En direct

de l’univers uniquement parce qu’elle est « pétillante », ce n’est pas un argument de contenu fort, fort.

À ce compte-là, on connaît beaucoup de comédienne­s, de mannequins ou d’animatrice­s qui sont adorables, charismati­ques et capables de raconter des tas d’anecdotes croustilla­ntes... mais on ne leur consacre par une heure de télé.

L’ANGE ET LE DÉMON

Il faut remettre cette invitation à Sophie Grégoire Trudeau dans son contexte. Les artisans de Radio-Canada n’ont jamais caché leur mépris pour l’administra­tion Harper, qu’ils n’ont cessé de démoniser et de dépeindre comme le diable incarné.

Ils ont été incapables de cacher leur joie, le 4 novembre 2015, quand Trudeau a été élu. Faut-il rappeler qu’il a remporté ces élections en promettant… d’augmenter le financemen­t de Radio-Canada ?

À la CBC, l’animateur vedette Peter Mansbridge a fait un reportage dégoulinan­t de complaisan­ce et de mièvrerie à l’arrivée de Trudeau au pouvoir. C’est dans la lignée de ces événements-là qu’il faut replacer l’invitation d’En direct de l’univers.

Je persiste : même si vous avez trouvé que les tounes étaient bien bonnes samedi soir, cette invitation éminemment politique était parfaiteme­nt indécente.

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