Ottawa bannit l’amiante avant... d’y investir
Le gouvernement fédéral financera un exploitant des résidus miniers malgré l’inquiétude des médecins
Vingt-quatre heures après avoir annoncé le bannissement de l’amiante, Ottawa annoncera demain l’octroi de fonds publics à une entreprise qui souhaite exploiter les résidus des mines d’amiante, contre l’avis de la santé publique.
Dans un bref communiqué émis, le ministère de l’Innovation a invité les médias à se présenter aujourd’hui à l’usine d’Alliance Magnésium, à Danville, près d’Asbestos.
La ministre du Développement international, Marie-Claude Bibeau, qui fera l’annonce au nom de son collègue de l’Innovation, révélera « l’octroi de fonds pour un projet de technologies propres avantageux pour l’environnement et pour les emplois de la classe moyenne ».
100 MILLIONS DE TONNES
Les fonds iront à Alliance Magnésium, a confirmé au Journal Justine Lesage, l’attachée de presse de la ministre.
Cette entreprise a racheté en décembre 2017 la polluante usine Magnola et son dépôt de 100 millions de tonnes de résidus miniers, qui contient jusqu’à 40 % de fibre d’amiante, dans le but d’en tirer du magnésium.
L’annonce fédérale met en colère la Dre Louise Soulière, de l’Association pour la santé publique du Québec. « Encore une fois, le lobby a gagné », gronde-t-elle.
D’après le Registre des lobbyistes, 11 lobbyistes ont travaillé pour Alliance Magnésium depuis 2016.
Québec a ainsi débloqué 30,9 M$ pour l’entreprise en août. L’aide d’Ottawa s’additionnera à celle de la province.
Les mêmes hommes de l’ombre ont multiplié les démarches auprès d’Ottawa pour que sa nouvelle norme anti-amiante ne s’applique pas aux résidus miniers.
NORME PERMISSIVE
Selon 17 directeurs de santé publique du Québec, l’exploitation de cette matière pourrait remettre en suspension des fibres d’amiante dans l’air et exposer ainsi la population à un contaminant cancérigène.
Pour la Dre Soulière, « si on veut exploiter les résidus, il faut adopter les normes les plus sévères en matière d’exposition à l’amiante ».
Or, cette norme québécoise est 10 fois plus permissive que celle qui prévaut dans le reste du Canada et dans la plupart des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Mais pour le vice-président principal d’Alliance Magnésium, Pierre Saint-Aubin, « à toutes les fois qu’on augmente les mesures de sécurité, ça devient compliqué. On n’est pas là pour nuire à la santé des gens, mais on n’est pas un OBNL quand même », a-t-il déclaré au Journal, en mai.