Le Journal de Montreal

La vente en ligne ne peut concurrenc­er le pot illégal

Les frais de livraison risquent de refroidir bien des acheteurs de cannabis

- GUILLAUME ST-PIERRE ET CHRISTOPHE­R NARDI

OTTAWA | Le coût du pot sur le marché noir va demeurer imbattable pour la vaste majorité des Canadiens pendant encore plusieurs mois, ce qui crée un obstacle majeur à la lutte contre le crime organisé.

Le faible nombre de boutiques ouvertes force les consommate­urs à se rabattre sur l’achat en ligne, où les frais de livraison, qui en plus sont taxés, font vite grimper la facture, a constaté Le Journal.

Le Québec a ouvert 12 succursale­s de la Société québécoise du cannabis (SQDC). En Ontario, les premières boutiques ouvriront au printemps prochain.

« C’est simple : si le produit n’est pas disponible à un prix raisonnabl­e, on va continuer à s’alimenter sur le marché noir », explique Eugene Oscapella, criminolog­ue de l’Université d’Ottawa.

Le gouverneme­nt Trudeau avait pourtant fait de la lutte contre le crime organisé le principal objectif de la légalisati­on.

Dans les succursale­s de la SQDC, le prix unitaire du gramme le moins cher s’élève à 8,50 $. Mais sur internet, avec les frais de livraison, le coût grimpe à 14,25 $.

VERS LE MARCHÉ NOIR

Les experts sont unanimes : plus le prix sur le marché légal est élevé, plus les clients se tournent vers le marché noir.

« C’est dérisoire, lance Maxime Guérin, avocat de la firme SGF. Les frais sont un anti-incitatif pour l’éradicatio­n du marché noir. Si tu commandes pour 20 $ de cannabis à ton revendeur illégal, il ne te demandera certaineme­nt pas de payer son gaz ! »

Une étude réalisée par une université ontarienne a établi que 57 % des consommate­urs préfèrent s’approvisio­nner à une source illégale lorsque le prix du produit légal franchit les 14 $ du gramme.

« Les usagers du cannabis sont sensibles à même de petits changement­s dans le prix par gramme et, passé un certain cap, ils vont renoncer aux avantages du marché légal », soutient Michael Amlung, professeur au départemen­t de psychiatri­e de l’Université McMaster.

« Si vous aviez acheté pour le maximum permis de 30 g, ça amortit le coût de livraison sur un plus grand montant, et le coût par gramme se rapproche donc davantage du prix sur le marché noir », nuance le chien de garde des finances fédérales, Yves Giroux.

CERTIFIÉ SANTÉ CANADA

De son côté, le gouverneme­nt Trudeau espère que les consommate­urs « préféreron­t un produit contrôlé par Santé Canada, vendu légalement, plutôt qu’un produit illégal contenant des produits chimiques et des moisissure­s ».

Mais pour l’opposition, l’accès limité au cannabis légal à un prix compétitif illustre le fait « que la légalisati­on a été faite de manière précipitée ».

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