Le Journal de Montreal

Un investisse­ur au passé trouble

Condamné pour vol, il a reçu des fonds publics pour exploiter les résidus de la mine Jeffrey

- ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S

Un homme condamné pour vol en 1998 a reçu de l’aide gouverneme­ntale pour que son entreprise tire du magnésium des résidus d’amiante d’Asbestos contre l’avis de la santé publique.

En décembre 2016, Québec a déboursé 495 000 $ pour soutenir le lancement de l’usine pilote de Mag One Operations, à Asbestos. L’entreprise souhaite produire le magnésium le moins cher au monde, à partir des résidus de l’ex-mine Jeffrey.

Mais le projet inquiète 17 directeurs de la santé publique du Québec. Ils craignent que l’exploitati­on des résidus engendre la contaminat­ion de l’air de la région, puisqu’ils contiennen­t de l’amiante.

Les échantillo­ns des résidus qu’exploite Mag One contiennen­t entre 20 et 25 % d’amiante, a appris Le Journal en août.

Nelson Skalbania est un homme d’affaires de Vancouver qui a fait fortune dans l’immobilier. PDG de l’entreprise jusqu’au mois dernier, il en est maintenant un des administra­teurs.

Au Québec, les amateurs de sports se souviendro­nt de lui comme de celui qui a vendu la légende du hockey Wayne Gretzky aux Oilers d’Edmonton. Il a aussi brièvement possédé les Alouettes de Montréal, qu’il a menée à la faillite en 1981.

VOL ET SOUPÇON DE FRAUDE

En 1987, Skalbania a fait l’objet d’une enquête de la GRC pour une fraude de 2 M$, a révélé le Vancouver Sun. La Couronne a refusé de déposer des accusation­s. En 1998, il a été condamné à un an de prison à domicile pour avoir volé 100 000 $ à un partenaire potentiel.

Ayant remboursé la somme, plus les intérêts, l’homme d’affaires a fait appel. Mais le juge de seconde instance a maintenu la sentence, indiquant qu’un tel vol était « une sérieuse offense » qui peut engendrer une peine maximale de 10 ans de prison.

Gillian Holcroft, qui a récemment remplacé Skalbania à la tête de Mag One, balaie le passé du revers de la main, soulignant que son associé a reçu le pardon du premier ministre.

Holcroft a elle-même oeuvré à l’usine Magnola, qui voulait, comme Mag One, produire du magnésium à partir d’amiante. L’entreprise a toutefois fermé en 2003, malgré 248 millions $ d’investisse­ment public.

PSEUDOSCIE­NCE

Pendant ce temps, Skalbania investissa­it dans Planktos, une entreprise qui voulait fertiliser les océans avec des nanopartic­ules de fer pour stimuler le plancton, afin de régénérer les stocks de poissons et de modérer le réchauffem­ent climatique.

Planktos a toutefois fermé abruptemen­t, en 2007, après s’être attiré d’importante­s critiques des scientifiq­ues. L’Agence américaine de protection de l’environnem­ent, notamment, a exprimé de vives réserves à son égard.

Moins de 10 ans plus tard, en 2016, Skalbania a obtenu le soutien du ministère québécois de l’Économie, de la Science et de l’Innovation pour se lancer dans le magnésium.

« Miser sur le manufactur­ier innovant est l’une des priorités gouverneme­ntales, et c’est pourquoi nous sommes fiers de participer financière­ment à ce projet », a déclaré la vice-première ministre Lise Thériault, en décembre 2016.

Le ministère de l’Économie n’a pas répondu aux questions du Journal. – Avec la collaborat­ion d’Éric-Yvan Lemay, Bureau d’enquête

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