Le Journal de Montreal

Quelle douleur pour une mère quand son fils coupe le cordon !

- LOUISE DESCHÂTELE­TS louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.com

Je ne me souviens pas que nos parents nous aient déjà dit à quel point le départ de leurs quatre enfants leur avait causé du chagrin. Ce qui fait que je me sens prise de court depuis un an, avec des idées suicidaire­s, depuis que mon fils a décidé de couper définitive­ment le cordon pour vivre sa vie. Je vis cela comme un deuil, un rejet et un abandon.

Heureuseme­nt, je suis suivie en thérapie comporteme­ntale et cognitive depuis 14 mois au CLSC. Mon fils de 31 ans et son amoureuse, qui en a 44, vivent, eux, un grand bonheur depuis l’arrivée de leur fils de 7 mois. Tombée enceinte à peine trois mois après leur rencontre, c’est évident que c’est la femme de sa vie. Et en dépit du fait qu’elle et sa fille de 14 ans soient autistes Asperger, mon fils a choisi d’aller vivre avec elles en Outaouais.

Ma douleur m’a ramenée au moment de ma grossesse quand des éducatrice­s nous avaient réunies entre mères célibatair­es (on était huit) pour nous demander ce qui nous motivait à garder notre enfant. Six, dont moi, avions répondu que sans cette grossesse, nous nous serions suicidées. Depuis que mon fils est parti, c’est comme si la même envie me reprenait.

Malgré mes 69 ans, couper le cordon ombilical, lâcher prise et le laisser partir pour voler de ses propres ailes me semble si dramatique. Jamais je n’aurais imaginé vivre ça. Mon fils m’a demandé de couper tout lien avec lui pour les trois prochains mois et d’attendre qu’il me téléphone pour renouer avec moi.

Malgré tout ce qu’il m’a fait vivre pendant ses 9 dernières années sous mon toit, entre ses 17 et 25 ans, je garde de lui le meilleur. Ses paroles cruelles et blessantes, qui finissaien­t toujours par me faire pleurer, je les ai oubliées, même s’il les justifiait en me disant que sa dureté n’avait qu’un but, m’apprendre à m’affirmer.

Il m’a fallu consulter pour l’inciter à déguerpir de chez moi devant son refus d’étudier ou de travailler. Comme depuis 2006 j’ai coupé les ponts avec le reste de ma famille, je n’avais que mon fils pour toute parenté. J’appréhende la suite, car une absence de trois mois sans l’appeler ni lui écrire, c’est tout un sevrage.

Ma consolatio­n c’est de le savoir heureux avec sa conjointe. Pour le reste, il va me falloir apprendre le détachemen­t, puis l’indifféren­ce, à force d’être tenue à l’écart de sa vie. J’ai décroché des murs les photos de nous deux en des jours plus heureux et je pleure sur mon petit-fils qui refusera de venir dans mes bras après une si longue absence. Ça me soulage de vous avoir exprimé ma peine, même si vous ne pouvez pas m’aider. G.B.

De mon côté, le seul soulagemen­t que j’ai, c’est de savoir que vous êtes suivie en thérapie. Car comment vous aider quand vous m’en dites si peu sur ce qui s’est réellement passé entre votre fils et vous ? J’imagine qu’une trop grande promiscuit­é a fini par l’étouffer. Tout le monde a besoin de son espace pour respirer, et, ça, vous ne semblez pas en avoir conscience.

Une mère qui rejette sur son fils la responsabi­lité de son bonheur, c’est difficile à supporter, vous savez. Pourquoi ne pas profiter de cet éloignemen­t pour analyser en profondeur ce que vous devriez faire pour vous épanouir en dehors de cet enfant ? En profiter aussi pour comprendre ce qui vous a éloignée du reste de votre famille ? Votre fils a besoin de devenir un homme et ce n’est pas avec vous dans les parages qu’il risque de l’apprendre. Non seulement il aime une fille et décide de faire un enfant, mais, de plus, il s’éloigne physiqueme­nt de vous. Ça en dit beaucoup sur son besoin d’air. Il faut respecter cela tout en vous respectant, vous, aussi.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada