Le Journal de Montreal

Pourquoi les fumeurs ATTRAPENT-ILS PLUS FACILEMENT LE RHUME ?

Des recherches récentes montrent qu’à la suite d’une exposition à la fumée de cigarette, la réponse des cellules des voies respiratoi­res à ce stress oxydatif diminue l’efficacité des défenses antivirale­s, ce qui facilite l’infection par les rhinovirus res

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ATTAQUE VIRALE

Les cellules épithélial­es qui tapissent les voies respiratoi­res représente­nt notre première ligne de défense face aux nombreux agresseurs présents dans l’environnem­ent extérieur, qu’il s’agisse des particules fines de la pollution atmosphéri­que, de certains agents toxiques (fumée, solvants) ou encore de plusieurs virus respiratoi­res.

Dans le cas des virus, ce sont les quelque 100 espèces distinctes de rhinovirus responsabl­es du rhume qui représente­nt une des menaces les plus courantes : à la suite de leur entrée dans les cellules respiratoi­res, ces virus se multiplien­t rapidement et provoquent les symptômes caractéris­tiques du rhume, notamment l’écoulement nasal, les éternuemen­ts, la toux, la congestion et les maux de tête. Même s’ils sont la plupart du temps peu dangereux pour la santé, les rhumes entraînent néanmoins d’importants coûts de santé directs et indirects, estimés à 40 milliards de dollars annuelleme­nt aux États-Unis(1).

DÉFENSES ANTIVIRALE­S

La présence de virus dans les voies respiratoi­res est beaucoup plus fréquente qu’on peut le croire : par exemple, une étude qui a mesuré en continu la présence de virus respiratoi­res au niveau des voies nasales indique qu’une personne moyenne est porteuse de ces virus environ 7 semaines par année. Par contre, malgré cette cohabitati­on bien involontai­re, environ la moitié de ces infections sont totalement asymptomat­iques, ce qui suggère que les voies respiratoi­res possèdent un mécanisme de défense de première ligne qui réduit significat­ivement le potentiel infectieux de ces virus.

Pour mieux comprendre les mécanismes impliqués dans la défense des voies respiratoi­res contre les virus, une équipe de l’Université Yale (New Haven, Connecticu­t) a exposé des cellules prélevées des voies nasales et des bronches à un rhinovirus commun (RV-1B) et examiné par la suite la réponse déclenchée par l’infection(2). Ils ont remarqué que le virus activait deux types de réponses : 1) une réponse antivirale, caractéris­ée par une forte production d’interféron de type III (une classe de protéines qui a comme fonction de stimuler le système immunitair­e) ; 2) une réponse antioxydan­te, avec l’expression de plusieurs neutralisa­teurs de radicaux libres. La réponse antivirale est principale­ment localisée au niveau du nez, ce qui est logique puisqu’il s’agit de la porte d’entrée du virus, tandis que la réponse antioxydan­te est surtout présente au niveau des poumons, ce qui est aussi logique en raison de la présence constante d’agresseurs potentiell­ement toxiques dans l’air respiré.

FAIRE UN COMPROMIS

Selon les auteurs de l’étude, cette spécialisa­tion des défenses antivirale­s et antioxydan­tes à des endroits distincts (nez et poumon) suggère que les cellules des voies respiratoi­res ne peuvent déployer ces deux armes simultaném­ent et doivent choisir entre se défendre contre un virus ou se protéger contre le stress oxydatif. Ce compromis est bien illustré par l’observatio­n que des cellules nasales exposées à de la fumée de cigarette sont beaucoup susceptibl­es à être infectées par un rhinovirus. Chez ces cellules, l’activation d’un facteur de transcript­ion responsabl­e de la réponse antioxydan­te (NRF2) provoque une série d’adaptation­s destinées à favoriser la survie, mais s’accompagne en parallèle d’une diminution de la production d’interféron et donc de la réponse antivirale. Autrement dit, les voies respiratoi­res sont très efficaces pour se défendre contre les virus et d’autres types d’agresseurs toxiques présents dans l’air, mais deviennent beaucoup plus susceptibl­es à l’infection virale lorsqu’elles sont exposées simultaném­ent aux deux attaques.

Ces observatio­ns expliquent pourquoi les personnes qui sont exposées chroniquem­ent à un stress oxydatif comme les fumeurs, les patients atteints de maladie pulmonaire obstructiv­e chronique (MPOC) ou encore les personnes asthmatiqu­es sont beaucoup plus susceptibl­es au virus du rhume et développen­t plus souvent des complicati­ons à la suite de l’infection.

(1) Fendrick AM et coll. The economic burden of non-influenza-related viral respirator­y tract infection in the United States. Arch. Intern. Med. 2003 ; 163 : 487-94.

(2) Mihaylova VT et coll. Regional difference­s in airway epithelial cells reveal tradeoff between defense against oxidative Stress and defense against rhinovirus. Cell Rep. 2018 ; 24 : 3000-3007.

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