Le Journal de Montreal

Des contestati­ons à prévoir

Sitôt légalisé, le pot entraîne déjà des disputes devant les tribunaux

- ANNABELLE BLAIS

Deux recours ont été déposés cette semaine en Cour supérieure du Québec pour contester les articles de la loi qui interdisen­t la promotion du cannabis et la culture à domicile. Mais d’autres aspects de la loi posent problème et pourraient être débattus prochainem­ent devant les tribunaux, estiment plusieurs avocats avec qui nous nous sommes entretenus.

ÊTRE SOUS INFLUENCE SUR LA ROUTE OU AU TRAVAIL

Le seuil à partir duquel une personne est intoxiquée au pot ne fait pas consensus. La notion « d’être sous influence » en milieu de travail reste donc floue. « Le test positif [d’urine ou de sang] ne veut rien dire, car le THC dans le cannabis s’accumule dans les graisses et peut rester dans le corps humain jusqu’à cinq semaines après la consommati­on », explique le pharmacolo­gue Mohamed Ben Amar. Ce dernier prédit donc de plus en plus d’arrestatio­ns et de nombreuses contestati­ons d’ici à ce que les appareils s’améliorent et que les lois soient basées sur des données scientifiq­ues probantes.

LES INTERDITS DANS LES APPARTEMEN­TS ET LES CONDOS

Un propriétai­re a 90 jours pour modifier le bail et interdire de consommer à l’intérieur. Des consommate­urs de cannabis thérapeuti­que risquent de contester devant la Régie du logement, croit René Gauthier, du cabinet Cain Lamarre. Mais il s’attend surtout à des contestati­ons dans les condos. La loi permet d’interdire la consommati­on de pot même dans les unités privées. « Dans un immeuble de condos, la partie privative est à moi. Il y a des articles du code qui protègent la jouissance de mon unité, et une restrictio­n de la sorte doit être justifiée », dit Me Gauthier.

LE CANNABIS AU VOLANT

La fiabilité de la machine de détection du THC (la substance psychoacti­ve dans le cannabis) dans la salive reste à prouver, insiste Jean-Philippe Marcoux, avocat chez Gariépy Marcoux. Ottawa a fixé des limites de THC dans le sang entre 2 et 5 nanogramme­s. Pour le moment, un seul appareil de détection, le Dräger DrugTest 5000, a été approuvé. D’autres sont à l’étude, au Québec notamment. « On ne sait pas si l’appareil de détection est fiable. [Il] sera testé en cour », affirme Me Marcoux. Certaines machines testées par sept corps policiers ont révélé des déficience­s lors des grands froids.

LES INTERDICTI­ONS DE CONSOMMER DANS TOUS LES LIEUX PUBLICS

Les règlements municipaux qui interdisen­t de consommer en public ou une loi de la CAQ qui imposerait une interdicti­on à la grandeur de la province pourraient n’être que temporaire­s, croit l’avocat Marc-André LeChasseur, du cabinet Bélanger Sauvé. « Le grand défi sera de faire respecter les règlements, dit-il. C’est une politique surtout pour rassurer la population. » Le maire de Saint-Jérôme, Stéphane Maher veut d’ailleurs faire changer la loi du Québec pour autoriser les cafés cannabis, comme il en existe à Amsterdam.

LA CULTURE À DOMICILE

Le Québec et le Manitoba sont les deux seules provinces à ne pas autoriser la culture à domicile. Une personne qui cultive moins de quatre plants au Québec ne risque pas la prison, mais des amendes de 250 à 750 $, et les montants doublent en cas de récidive. Un citoyen de Québec a intenté un recours pour faire annuler les deux articles de la loi québécoise. Ses avocats croient que les lois fédérales l’emportent sur la loi provincial­e et que cette dernière bafoue l’intention du législateu­r fédéral.

LA PROMOTION DU CANNABIS

La Brasserie Saint-Bock, qui vend une bière à saveur de cannabis sans cannabinoï­de, mais avec des feuilles de pot sur la bouteille, a déposé un recours pour faire annuler l’article de la loi qui interdit l’affichage de la feuille de pot à des fins promotionn­elles. La loi interdira de faire la promotion du cannabis et de vendre des articles avec un nom, un logo, un dessin ou un slogan qui y sont associés. Les amendes pour les commerçant­s varient de 2500 $ à 62 500 $. D’autres commerçant­s, comme la chaîne de boutiques d’accessoire­s de fumeur Prohibitio­n, se regroupent afin d’intenter un recours collectif.

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