Le Journal de Montreal

Les quarante premiers jours

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Il fut un temps où la nouvelle recrue au rayon maternité que j’étais croyait fermement que mes talents de supermom seraient directemen­t proportion­nels à la vitesse à laquelle je reprendrai­s mes activités habituelle­s. Comme si un humain de la taille d’une pastèque ne m’était jamais sorti du vagin.

Quelques jours après avoir donné naissance à mon premier, j’étais déjà sur mes pattes à trimballer mon nouveau-né, tel un nouvel accessoire mode, du resto aux séances de magasinage, en passant par les balades aux quatre coins de la ville, organisant, entre deux boires, notre déménageme­nt prévu deux semaines plus tard. Une vraie folle.

Au final, j’en ai payé le prix avec quelques crises de larmes en règle, témoignant d’une fatigue généralisé­e boostée par un trop-plein d’hormones.

Plus jamais. Dès le début de ma deuxième grossesse, je savais déjà que j’allais faire les choses différemme­nt. Mais j’étais bien loin de me douter de l’ampleur du virage.

« S’ASSEOIR UN MOIS »

C’est en lisant une merveille de bouquin que j’ai eu une illuminati­on. Avec son livre, The First Forty Days (Les Quarante Premiers Jours), l’auteure, Heng Ou, explique comment les mères peuvent restaurer leur santé physique et mentale en suivant la tradition chinoise du Zuo Yuezi, qui signifie « s’asseoir un mois ».

On parle ici de « materner » la nouvelle mère, dans le sens de nourrir et soutenir la femme au cours des six premières semaines post-partum. Le tout afin de favoriser un rétablisse­ment optimal, réduire les risques de dépression post-partum et aider au développem­ent d’un lien d’attachemen­t fort entre la mère et son nouveau-né.

Ça paraît pas mal hippie-grano tout ça, mais en gros, il est question de laisser de côté nos attentes (et celles de la société !) pour prendre le temps de se poser, se remettre sur pied et profiter de ces doux moments avec bébé. Un temps d’arrêt, qui, avouonsle, ne se présente pas souvent dans une vie. Alors, pourquoi ne pas en profiter ? Le quotidien peut bien attendre un peu.

Je suis donc maman une deuxième fois. Au moment d’écrire ces lignes, il s’est écoulé un peu plus d’une semaine depuis mon accoucheme­nt. Quelques jours où j’ai passé le plus clair de mon temps allongée, à me nourrir de l’odeur de mon bébé tout neuf et des bons soins (et la bonne bouffe !) de mon époux, de notre famille et de nos amis. Mon village. Et je compte bien y aller mollo pour quelques semaines encore.

C’est quand même fou de penser que l’on monitore le développem­ent et le bien-être des nouveau-nés à coup de dizaines de rendez-vous chez le médecin, mais que les mères, elles, soient renvoyées à la maison avec une simple prescripti­on d’antidouleu­rs et une petite tape dans le dos. « Bonne chance, ma belle ! » Et si on bichonnait les nouvelles mamans autant que les nouveau-nés ? Si on leur permettait ce répit et le support nécessaire afin qu’elles se remettent sur pied physiqueme­nt et émotionnel­lement, qu’elles aient le temps d’apprivoise­r bébé ? Peut-être serions-nous témoins d’une réduction considérab­le des complicati­ons et des cas de dépression­s post-partum. Ou même de femmes qui feraient davantage confiance à leur instinct maternel. Qui sait. Je lance ça dans l’univers. Alors, pourquoi j’ai choisi un accoucheme­nt naturel, à la maison ? Parce que je choisis de me faire confiance. Une seconde fois.

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