Le Journal de Montreal

Des chicanes de « famille »

Détails inédits sur les failles d’une alliance entre motards, mafia et gangs de rue

- ERIC THIBAULT André Sauvageau, un membre des Hells accusé dans cette rafle, a renoncé à un procès devant jury hier et il sera jugé par un juge seul.

La « famille » que des leaders de la mafia, des Hells Angels et des gangs de rue avaient formée pour mieux se partager le marché montréalai­s de la drogue était rongée par la méfiance et les rivalités.

C’est ce que révèlent des documents de l’opération Magot ayant permis la condamnati­on du chef de gang Gregory Woolley à une peine de huit ans pour gangstéris­me et trafic de cocaïne, vendredi dernier, et qui étaient auparavant frappés d’interdits de publicatio­n.

Arrêté à l’automne 2015, Woolley était considéré comme le numéro 1 des gangs de rue et l’un des « décideurs » les plus puissants du crime organisé québécois.

Seul Noir à avoir été membre d’un clubécole des Hells au Québec, Woolley faisait le pont entre les motards, la mafia et les gangs afin d’orchestrer l’approvisio­nnement et la vente de cocaïne à Montréal.

« Gregory Woolley est la figure dominante [du crime organisé] présenteme­nt sur l’île de Montréal », avait dit un informateu­r de la police de Montréal en 2013.

PAYANT MAIS...

Le gangster de 46 ans contrôlait entre autres le territoire Hochelaga-Maisonneuv­e où il se vend pour plus de 1 million $ de « coke » chaque mois.

« On est une famille », lui avait dit le chef intérimair­e de la mafia, Stefano Sollecito, sans savoir que la police l’enregistra­it.

Pourtant, ce mariage de raison entre factions criminelle­s était houleux même si Woolley désirait « éviter les problèmes ».

Les 650 000 conversati­ons intercepté­es durant cette enquête de l’Escouade régionale mixte de Montréal tournaient « toutes autour » de conflits de territoire­s, de « problèmes de communicat­ions », de menteurs et de mafiosi « qui suscitent la méfiance », a observé le juge Daniel Bédard dans une décision antérieure.

FRICTIONS

En outre, l’alliance soupçonnai­t la présence en ses rangs de « taupes » qui parlaient à la police et elle a évoqué la possibilit­é de faire du ménage.

Lors d’une réunion à laquelle Woolley et Sollecito ont participé, on affirmait ne plus faire confiance aux frères Andrea et Salvatore Scoppa, d’influents caïds parmi les fidèles du défunt parrain Vito Rizzuto.

La possibilit­é de mettre l’un des Scoppa « à l’écart » fut discutée, mais Leonardo Rizzuto, fils du parrain Rizzuto et l’un des chefs présumés de cette alliance, s’y est opposé, selon l’enquête.

« COMME UNE GUIMAUVE... »

Sollecito s’était plaint à Loris Cavaliere, cet ex-avocat de la mafia condamné pour gangstéris­me en 2017, comparant

Léo Rizzuto à « une guimauve » n’ayant « pas assez de colonne pour dire aux autres quoi faire ».

Salvatore Scoppa a été atteint à un bras par un tireur en sortant d’un restaurant à Terrebonne, le 21 février 2017. Le fugitif Frédérick Silva, l’un des 10 criminels les plus recherchés au Québec, est le seul accusé dans cette fusillade.

Andrew Scoppa a été accusé et détenu durant 15 mois après une grosse saisie de cocaïne dans la Tour des Canadiens, mais a été libéré de toute accusation en mai dernier.

Son bras droit, Steve Obadia, a été assassiné à Laval un mois plus tard.

Sollecito et Rizzuto, que la police a aussi avisés d’un complot de meurtre sur leur personne en 2015, ont obtenu l’arrêt des procédures judiciaire­s l’hiver dernier.

« GREGORY WOOLLEY EST LA FIGURE DOMINANTE [DU CRIME ORGANISÉ] PRÉSENTEME­NT SUR L’ÎLE DE MONTRÉAL. »

– Un informateu­r du SPVM dans une déclaratio­n faite en 2013

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PHOTO D’ARCHIVES Gregory Woolley aux obsèques du Hells Angel Lionel Deschamps, le 7 novembre 2015, deux semaines avant son arrestatio­n.
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SALVATORE SCOPPA Victime

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