PIÉGÉS SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX
Huit adolescents vivent une semaine infernale en raison d’images ou de rumeurs
Au moins huit adolescents ont passé une semaine traumatisante au Québec après avoir été filmés ou photographiés à leur insu par leurs pairs pour être ensuite intimidés et humiliés après la diffusion des images embarrassantes.
√ À Alma, trois élèves ont été suspendus après avoir filmé des confrères qui prenaient leur douche.
√ À Sherbrooke, quatre ados ont été victimes de menaces après qu’une photo d’eux soit publiée sur une page Spotted en prétendant qu’ils auraient lancé des frites sur une aînée.
√ À Trois-Rivières, un enfant de 11 ans devra changer d’école parce qu’un de ses « amis » âgé de 12 ans l’a filmé nu dans la salle de bain et a diffusé la vidéo sur un groupe fermé Snapchat. (Ces trois cas sont rapportés avec plus de détails en page 4.) Depuis une semaine, au moins huit ados ont été victimes des réseaux sociaux, sans compter le cas du politicien Tony Clement (voir page 4).
DÉPASSER LES LIMITES
Le problème, selon une experte de la socialisation en ligne des adolescents, c’est que de nombreux jeunes tentent de se faire remarquer sur les réseaux sociaux de plusieurs façons, parfois en ridiculisant un camarade, et que cela peut les amener à dépasser les limites de ce qui est acceptable.
« Ils veulent tester les frontières. Ils savent très bien que leur geste va avoir un impact, que ça va mettre leur victime dans l’embarras. Mais les jeunes ne sont pas nécessairement conscients des conséquences que ça va avoir », estime Nina Duque, doctorante et chargée de cours à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
Selon Mme Duque, les ados n’ont pas encore acquis le jugement nécessaire pour bien comprendre les impacts de leurs interactions sur les réseaux sociaux.
« Ça fait partie de leur développement, où ils vont tester leur identité. La différence avec les réseaux sociaux, c’est qu’il y a un aspect plus public à l’intimidation. Avant, c’était dans la cour d’école, la vie réelle. Maintenant, l’impact est plus gros, il y a la cour d’école virtuelle », explique Mme Duque.
PRÉVENTION
Elle estime donc qu’il « est grand temps » que de la prévention soit offerte à l’école afin que les jeunes soient plus conscientisés aux conséquences de leurs faits et gestes sur le web.
« Tous les jeunes savent très bien comment la technologie fonctionne, par instinct. Il y a une éducation qui manque sur la portée des réseaux sociaux, sur les comportements à éviter. Ils connaissent l’outil, mais pas les répercussions que ça peut avoir », explique la spécialiste.
Elle précise cependant que la technologie « n’est pas le problème. C’est plutôt l’utilisation qui en est faite. »
« [D’avoir sa photo qui circule sur internet], ce n’est pas une situation qui est fréquente, mais le danger est bien là. Toutefois, dans l’usage quotidien des jeunes, c’est assez isolé comme geste. Les recherches prouvent que les jeunes ont, somme toute, des pratiques saines en ligne », affirme Mme Duque.
LA LOI
Or, de tels gestes par une personne de plus de 12 ans relèvent de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
« À partir du moment où un enfant possède et utilise un téléphone cellulaire, il doit y avoir une éducation faite par les parents ou une personne responsable en ce qui a trait aux risques que pourrait représenter la prise de photos ou de vidéos et leur partage », précise Hugues Beaulieu, porte-parole de la Sûreté du Québec.