Je vous en supplie... faites-moi souffrir
Je n’ai pas vécu la misère, la pauvreté, la déception comme les générations qui m’ont précédée. On m’en a empêchée.
Je devrais être fière d’être une milléniale, pourtant ce n’est pas le cas. Je devrais, comme les jeunes de ma génération qui représente 25 % de la population québécoise, me balader fièrement, cellulaire à la main sur mon vélo, mais ce n’est pas le cas. J’ai mal et je n’en ai pas le droit.
Pourquoi ? Parce que nos mères nous ont tellement voulus. Elles ont programmé notre venue au monde au rythme de leurs hormones, elles ont uriné sur de petits bâtons attendant frénétiquement la barre rose leur annonçant qu’on existait vraiment.
Quand nous sommes arrivés dans leur vie et par le fait même dans la société, on a voulu nous épargner tous les « traumatismes » en surdimensionnant notre ego.
C’est entre autres en faisant laminer tous nos dessins, qu’on nous a maintenus artificiellement dans un paradis improbable, où l’échec, les revers et les malheurs n’existent pas. Le pays des licornes, c’est ça.
UN CHOC ENCORE PLUS GRAND
Nos grands-parents baby-boomers, nos parents de la génération X, ont aménagé leurs sous-sols de banlieue en « bachelor » avec, en prime, de la sauce à spag à volonté dans notre frigo perso. Tout ça, pour que l’argent du loyer qu’on aurait à payer soit placé dans un REER. Logés, nourris, encensés.
Le choc des générations n’est pas dans l’écart technologique, il est dans le fait qu’on nous impose un monde aseptisé où l’on nous a proclamés enfants rois et reines en nous faisant croire qu’on habitait un royaume.
À trop vouloir éviter à ceux qu’on aime de vivre les difficultés propres à leur génération, on les handicape sévèrement pour le reste de leurs jours.
Il est là le choc : cohabiter avec des adultes qui ont de l’expérience et un coffre à outils bien garni alors que le nôtre est vide et le sera longtemps, car on ne nous a pas appris à nous servir d’un marteau de peur que l’on se cogne les doigts.
REPÊCHÉE PAR LA RÉDACTION