Landry, militant parmi les jeunes
Quand je m’impliquais en politique, j’ai eu quelques fois le privilège de présenter Bernard Landry avant un de ses discours.
J’avais pris l’habitude d’annoncer son arrivée sur le podium en invitant les gens à applaudir « le militant en chef du Parti québécois » ou « le premier militant de notre parti », ce qui ne plaisait pas à son entourage. On était intervenu auprès de moi pour m’expliquer que le chef d’un parti ou un ancien premier ministre, on ne présente pas ça comme un simple militant.
Monsieur Landry, pourtant, avait repoussé les préoccupations de ses conseillers et avait au contraire exigé que je continue de le présenter comme tel. Pour lui, le titre de militant était le plus noble qui soit et il aimait qu’on le définisse ainsi.
Plus tard, c’est avec un immense pincement au coeur que je l’entendrai annoncer son départ devant un congrès en pleurs : « Je vous ai dit que nous étions des militants et des militantes, c’était là le titre que nous avions en commun et c’est le plus beau des titres. Bien, je veux vous dire que, à partir de maintenant, c’est le seul que j’aurai. »
PAROLE PUBLIQUE
On a parfois reproché à Bernard Landry de s’être montré peu économe de sa parole publique. À la différence de Lucien Bouchard qui s’est fait généralement discret et de Jacques Parizeau qui planifiait minutieusement ses sorties pour en maximiser l’impact, Bernard Landry répondait à tous les appels des journalistes.
On y reconnaissait le jeune ambitieux qui, jadis, exaspérait ses pairs par son amour des projecteurs et l’ancien chef qui ne pouvait faire son deuil d’une carrière politique terminée trop tôt.
En toute justice, il faut également y voir le trait du militant. Celui qui ne manque jamais une occasion de débattre et de faire valoir son point de vue, simplement parce qu’il considère que cela participe de son devoir civique.
UNE NOUVELLE GÉNÉRATION
Sa parole, Bernard Landry l’a magnifiquement mise au service de l’indépendance du Québec. Au cours des derniers jours, c’est à plusieurs personnes parfois incrédules que j’ai raconté à quel point il était facile de remplir des salles dans les cégeps et les universités à chacune de ses conférences. Il suffisait de distribuer quelques tracts pour qu’on doive refouler à la porte des étudiants désirant l’entendre. Comme jeunes militants, plus naturellement portés vers la nouveauté, nous nous étions ralliés à lui, le plus vieux d’entre nous, parce qu’il demeurait le meilleur mobilisateur d’entre tous.
C’est au point où, comme président des jeunes du PQ, je n’hésitais pas à dire que nous étions la « génération Landry », ce qu’il appréciait beaucoup, vous vous en doutez bien.
C’est étrange, repenser à tout ça, en 2018. Il n’y a pas quinze ans, un leader souverainiste dans la soixantaine qui faisait courir les jeunes, même à l’Université McGill. On n’en est plus là aujourd’hui.
On a beaucoup entendu, cette semaine, un discours affirmant que le dernier des grands tribuns de l’indépendance s’était éteint. Franchement, dire une telle chose, ce n’est pas rendre hommage à Bernard Landry. Il a trop travaillé à faire émerger une nouvelle génération de souverainistes pour que son décès autorise qui que ce soit à annoncer leur disparition.